L’implication politique des femmes en Afrique
État des lieux
La participation des femmes en politique est un enjeu important afin d’instaurer une véritable représentativité des instances dirigeantes politiques et de permettre aux femmes de jouir de leurs pleins droits. En Afrique, la participation des femmes au processus politique est très inégale selon les pays. Selon l’Union interparlementaire, au 1er novembre 2015, parmi les 20 pays comportant le plus de femmes au sein de leur parlement, 7 sont des pays africains : Rwanda, Sénégal, Afrique du Sud, Namibie, Mozambique, Ethiopie et Angola. Le premier pays de ce classement est le Rwanda, avec 63.8% de femmes. D’autres pays sont bien moins classés : ainsi au Bénin et au Nigéria, les femmes au parlement représentent respectivement 7,2% et 5,6%. [1]
Les femmes sont confrontées à deux sortes d’obstacles qui freinent leur participation à la vie politique. D’une part, des entraves structurelles causées par des lois et des institutions discriminatoires qui réduisent leurs possibilités de voter ou de se porter candidates à un mandat politique. D’autre part, les femmes ont généralement moins de chances que les hommes de suivre une formation, de nouer les contacts et de bénéficier des ressources nécessaires pour devenir des dirigeantes performantes. [2]
Engagements internationaux et ODD
Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, dit également Protocole de Maputo, adopté à Maputo en 2003, prévoit à l’article 9 le « droit de participation au processus politique et à la prise de décisions » [3]:
« 1. Les États entreprennent des actions positives spécifiques pour promouvoir la gouvernance participative et la participation paritaire des femmes dans la vie politique de leurs pays, à travers une action affirmative et une législation nationale et d’autres mesures de nature à garantir que :
a) les femmes participent à toutes les élections sans aucune discrimination;
b) les femmes soient représentées à parité avec les hommes et à tous les niveaux, dans les processus électoraux;
c) les femmes soient des partenaires égales des hommes à tous les niveaux de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques et des programmes de développement de l’État
- Les États assurent une représentation et une participation accrues, significatives et efficaces des femmes à tous les niveaux de la prise des décisions ». [3]
En 2011, l’Assemblé générale des Nations Unies adopte la résolution n°A/RES/66/130. Cette résolution appelle les États membres à renforcer la participation des femmes à la vie politique, à accélérer l’instauration de l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les situations, y compris en période de transition politique, de promouvoir et de protéger le droit fondamental des femmes. [4]
La participation des femmes en politique est également mentionnée dans la cible 5.5 des Objectifs de développement durable (ODD) : « Garantir la participation entière et effective des femmes et leur accès en toute égalité aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique ». [5]
Des mesures existantes pour améliorer la participation des femmes en politique
Face à la faible participation des femmes en politique, des pays ont mis en place des mesures pour favoriser la candidature et l’élection des femmes à différents niveaux. Les quotas obligatoires sont l’un des dispositifs institutionnels qui ont permis d’accélérer la progression de l’accès des femmes aux postes politiques, en vue d’une représentation paritaire. En 2010, le Sénégal a adopté une loi instituant la parité hommes-femmes qui prévoit que toutes les listes aux élections législatives, régionales, municipales et rurales doivent comporter le même nombre d’hommes et de femmes. Ce système garantit aux femmes, non seulement une représentation équitable en nombre, mais aussi des places de choix sur le plan électoral, ce qui évite qu’elles ne soient reléguées en bas des listes. Tout manquement à ces obligations disqualifie le parti du processus électoral. Au Rwanda, dès 1994, un système de quota a été institué réservant 30% des sièges à des femmes. [6]
Une forte implication des femmes dans la société civile
Si les femmes en Afrique sont moins représentées que les hommes dans les structures institutionnelles de pouvoir, elles sont particulièrement impliquées dans les organisations de la société civile, notamment sur des questions qui les affectent particulièrement comme le mariage forcé, la pesanteur des charges domestiques, la mortalité infantile ou encore la difficulté d’accès à l’emploi. À partir des années 1970, l’organisation de grandes conférences mondiales sur les femmes et sur d’autres thématiques ont accéléré et structuré les processus de revendications chez les africaines. Ces conférences ont largement favorisé l’émergence d’organisations non gouvernementales féminines et/ou féministes qui ont été des espaces privilégiés d’expressions, de luttes et de conquêtes de libertés pour les femmes. [7]
Références
- Union interparlementaire, « Les femmes dans les parlements nationaux. Etat de la situation au 1er novembre 2015 », (consulté le 14/01/16), http://www.ipu.org/wmn-f/classif.htm
- Site Internet d’ONU Femmes, « Leadership et participation des femmes à la vie publique », (consulté le 14/01/16), http://www.unwomen.org/fr/what-we-do/leadership-and-political-participation
- Union Africaine, Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes, 2003, http://www.eods.eu/library/AU_Protocol%20ACHPRW_2003_FR.pdf
- Texte de la Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, 19 décembre 2011, (consulté le 14/01/16), http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/66/130&referer=/english/&Lang=F
- Site Internet des Nations Unies sur les Objectifs de développement durable (ODD), (consulté le 14/01/16), http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/gender-equality/
- Assemblée Parlementaire de la Francophonie, Réseau des Femmes Parlementaires, « Projet de rapport, Femmes et politique, promouvoir l’accès des femmes en politique : la question des quotas », juillet 2014, http://apf.francophonie.org/IMG/pdf/2014_07_femmes_rapporfemmesrepresentativite.pdf
- Sow Fatou, 2007, « Politiques néolibérales et alternatives féministes : l’apport des mouvements de femmes en Afrique », in Actes du colloque du gtm, « Le genre au cœur de la mondialisation », 21-23 mars 2007, Paris, http://www.feministes-radicales.org/wp-content/uploads/2010/11/Politiques-n%C3%A9olib%C3%A9rales-alternatives-f%C3%A9ministes.pdf
Liens externes
Site Internet d’ONU Femmes, « Règles et normes internationales », (consulté le 14/01/16), http://www.unwomen.org/fr/what-we-do/leadership-and-political-participation/global-norms-and-standards
Genre en Action, « Plaidoyer sur le genre et la participation politique en Afrique », 31 mars 2014, (consulté le 14/01/16), http://www.genreenaction.net/Plaidoyer-sur-le-genre-et-la-participation.html
Djibril Abarchi Balkissa, « La participation politique des femmes en Afrique, cas de la zone CEDEAO », Association des femmes juristes du Niger (AFN), 2010, http://www.observaction.org/wp-content/uploads/2015/05/femme-vie-politique-en-cEDEAO.pdf
Entretien entre Fatou Sow et Christine Verschuur, « Mouvements féministes en Afrique », Revue Tiers Monde, 2012/1 n°209, p. 145-160