Violence domestique
Définition
La violence domestique est la forme la plus répandue de violence à l’égard des femmes. Elle désigne “tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime,” selon la définition de la Convention du Conseil de l’Europe sur la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (2011).
La violence domestique peut être perpétrée par le partenaire intime ou être intergénérationnelle, généralement par les parents contre leurs enfants (Conseil de l’Europe, 2011). Elle peut se produire dans tous les foyers, sans distinction de classe, de culture, de nationalité, de religion ou d’orientation sexuelle.
La violence domestique peut se manifester sous différentes formes, notamment:
- Des abus physiques pouvant aller de la gifle jusqu’au meurtre;
- Des abus sexuels impliquant l’intimidation, l’usage de la force, des rapports sexuels forcés avec des tiers, etc.;
- Des abus psychologiques tels que des agressions verbales, des humiliations quotidiennes, des menaces d’abandon ou de retrait de la garde des enfants, le confinement au domicile, la surveillance, etc. ;
- Des abus économiques tels que le refus de contribuer financièrement au foyer, des tentatives de restreindre l’accès à la santé ou à l’emploi. (Jones et al, 2010).
Quelques chiffres sur une pandémie mondiale
La prévalence des violences contre les femmes est telle que les Nations Unies évoquent une “pandémie mondiale” :
- 35 % des femmes dans le monde ont subi des violences physiques et/ou sexuelles, la plupart provenant de leur partenaire intime (OMS et al, 2013)
- Parmi les femmes ayant rapporté des incidents de violence au cours de leur vie, au moins 60% ont subi des abus de la part de leur partenaire intime (Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2015).
- Dans le monde, 30% de toutes les femmes ayant eu une relation de couple ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de leur partenaire intime (OMS et al, 2013)
- 38 % du total des meurtres de femmes à l’échelle mondiale sont commis par des partenaires intimes (OMS et al, 2013)
- La violence par le partenaire intime est la plus répandue Afrique, où un quart des pays de la région affichait un taux de prévalence tout au long de la vie de 50% ou plus. La prévalence de ce type de violence se situait au maximum à 40% ou en dessous en Amérique Latine, dans les Caraïbes et en Océanie (Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2015)
Conséquences de la violence domestique
La violence domestique est susceptible d’engendrer de graves problèmes de santé:
- le risque d’avoir un enfant de faible poids de naissance est majoré de 16 %.
- le risque de connaître une dépression est deux fois plus élevé.
- Dans certaines régions, les femmes font face à un risque 1,5 fois plus important de contracter le VIH par rapport à des femmes qui n’ont pas subi de violences de leur partenaire (OMS et al, 2013)
Au delà de l’impact sur la santé physique et psychologique des femmes, la violence domestique représente un problème de développement, avec des coûts humains et économiques significatifs. On estime ainsi que la violence domestique ferait perdre au moins un à deux points de PIB à l’échelle mondiale (Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2015).
Comprendre les causes de la violence domestique
Les recherches portant sur les causes de la violence domestique démontrent que celles-ci trouvent leur origine dans des normes sociales et des stéréotypes qui assoient la supériorité de l’homme sur la femme et donc son “droit” d’affirmer son pouvoir sur elle y compris par la force (Centre de développement de l’OCDE, 2013 ; Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2015).
L’index « Institutions sociales et égalité femmes-hommes » (SIGI en anglais) du Centre de développement de l’OCDE inclut une variable sur les attitudes vis-à-vis de la violence domestique, mesurée par le pourcentage de femmes qui estiment que celle-ci est justifiée dans certaines circonstances: sortir de la maison sans en informer son mari, négliger les enfants, argumenter avec son mari, refuser des rapports sexuels ou brûler le repas. Les perceptions des femmes étant influencées par les normes sociales locales, cette variable donne donc une idée du niveau d’acceptation de la violence domestique dans une société donnée.
Dans l’édition 2014 du SIGI, 35% des femmes à l’échelle mondiale trouvaient la violence domestique justifiable sous certaines conditions, avec d’importantes disparités d’un pays à l’autre (de 3% en Jamaïque jusqu’à 92% en Guinée).
La prévalence de la violence domestique dans les pays où elle est largement acceptée est plus de deux fois supérieure à celle des pays où cette violence n’est que faiblement tolérée (Centre de développement de l’OCDE, 2013). Par exemple, l’Amérique latine et les Caraïbes font partie des régions où les violences contre les femmes sont les moins répandues, et c’est aussi là qu’elle est la moins tolérée. En Afrique Sub-saharienne, qui a l’indice le plus élevé en matière de restrictions à l’intégrité physique, 57% des femmes interrogées trouvaient la violence domestique justifiable.
Prévenir la violence domestique et y répondre
En 2015, au moins 119 pays dans le monde avaient adopté des lois contre la violence domestique, et 52 reconnaissaient le viol entre époux (Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2015).
Si ces réformes juridiques représentent un progrès, elles ne sont pas toujours assorties d’une mise en œuvre appropriée. Parfois, les normes sociales justifiant la violence sont si profondément ancrées que les lois peuvent rester lettre morte. Et même lorsque la loi est appliquée, ce n’est pas forcément au bénéfice des victimes. Etant donné que de nombreuses femmes soumises à la violence domestique sont dépendantes économiquement de leur partenaire intime, la condamnation et l’emprisonnement de celui-ci risquent de laisser la victime dépourvue de ressources pour sa survie (Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2015).
Pour prévenir et répondre à la violence domestique, une combinaison de différentes approches est donc à privilégier:
- L’adoption et la mise en œuvre de réformes juridiques criminalisant la violence domestique : Au Venezuela par exemple, une loi de 2007 interdisant la violence domestique et le viol entre époux a non seulement prévu des poursuites et des sanctions pénales contre les auteurs, mais a également engagé les pouvoirs publics à mener des campagnes de sensibilisation pour changer les mentalités. Des tribunaux spéciaux pour les violences faites aux femmes ont également été mis en place (Centre de développement de l’OCDE, 2013).
- Des mesures pour l’autonomisation économique des femmes : Au Timor-Oriental, la fondation Alola et Oxfam fournissent un soutien à des groupes de femmes vivant en zone rurale pour qu’elles établissent des activités génératrices de revenus en vue de réduire leur dépendance aux hommes. Les ateliers conduits dans les villages les aident à mettre en place leur projet tout en abordant la question des violences faites aux femmes (Centre de développement de l’OCDE, 2013).
- Des campagnes de sensibilisation et d’éducation pour transformer les normes sociales justifiant la violence: Bell Bajao !, une campagne de sensibilisation lancée en Inde en 2008 offre un exemple de ce type d’approche. L’initiative, qui appelait les hommes et les garçons à prendre position contre la violence domestique, a touché plus de 130 millions de personnes. Les évaluations suggèrent que la campagne est parvenue à changer les attitudes vis-à-vis de la violence domestique au sein des communautés et au niveau individuel (Centre de développement de l’OCDE, 2013).
Les recherches soulignent également que les efforts en matière de lutte contre violence domestique doivent s’appuyer sur une action concertée entre de multiples acteurs (forces de l’ordre, système judiciaire, ONG, etc.) et sur une collecte de données renforcée afin d’évaluer l’efficacité des actions entreprises (Conseil de l’Europe, 2011 ; Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2015).
Références
Centre de Développement de l’OCDE (2014), Social Institutions and Gender Index. 2014 Synthesis Report, Editions OCDE, Paris, www.genderindex.org/sites/default/files/docs/BrochureSIGI2015.pdf.
Centre de Développement de l’OCDE (2013), “Transforming social institutions to prevent violence against women and girls and improve development outcomes“, Issues Paper, Centre de Développement de l’OCDE, Paris, www.oecd.org/dev/poverty/OECD_DEV_Policy Brief_March 2013.pdf.
Conseil de l’Europe (2011), Rapport explicatif de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, Série des traités du Conseil de l’Europe – n° 210, https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016800d38c9
Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (2015), Les femmes dans le monde 2015, Tendances et statistiques – Chapitre 6, La violence contre les femmes, http://unstats.un.org/unsd/gender/downloads/WorldsWomen2015_chapter6_t.pdf
Jones, N., Harper, C. et Watson, S. (2010), Stemming girls’ chronic poverty: Catalysing development change by building just social institutions, Chronic Poverty Research Center, Manchester, www.chronicpoverty.org/publications/details/stemming-girls-chronic-poverty.
Organisation Mondiale de la Santé, Département Santé et recherche génésiques, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Conseil sud-africain de la Recherche médicale (2013), Estimations mondiales et régionales de la violence à l’encontre des femmes: prévalence et conséquences sur la santé de la violence du partenaire intime et de la violence sexuelle exercée par d’autres que le partenaire, http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/85242/1/WHO_RHR_HRP_13.06_fre.pdf?ua=1
Voir également
Violences faites aux femmes
Breakthrough (sur le projet Bell Bajao!)
Liens externes
ONU Femmes(n.d), La violence à l’égard des femmes et des filles : quelques faits et chiffres, http://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures#sthash.iV0vhjP3.dpuf,
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (2014), La violence à l’égard des femmes : une enquête à l’échelle de l’Union européenne, http://fra.europa.eu/en/publication/2014/violence-against-women-eu-wide-survey-main-results-report