Le rôle des femmes dans les processus de paix
La participation des femmes dans les processus de paix est indispensable à l’établissement et au maintien de la paix dans le monde. L’exclusion des femmes lors de ces processus a des conséquences importantes sur la façon dont les questions qui les concernent sont abordées, telles que les problèmes de violence envers les femmes ou leurs droits de citoyenneté. [1]
Au niveau mondial, la participation des femmes dans les processus de paix formels est très faible. Selon une étude de 2012, sur l’analyse de 31 processus de paix ayant eu lieu entre 1992 et 2011, seulement 4% des signataires, 2,4% des médiateur-trices et 9% des témoins étaient des femmes. [1] La sous-représentation des femmes est beaucoup plus marquée dans ces instances de négociations que dans d’autres instances publiques de prise de décision, pour lesquelles les femmes restent en sous-représentation, mais où le fossé tend à se combler de façon plus régulière. [1] Cependant, les femmes ont toujours été très actives dans les campagnes et les mobilisations publiques pour la paix auprès des gouvernements ou de groupes armés. Ce rôle informel est souvent crucial mais peu visible dans les instances formelles de négociation de la paix. [1, 2]
Les femmes, principales victimes des conflits armées
Les femmes sont souvent les principales victimes des conflits armés, notamment de violences sexuelles. [3] L’ONU estime qu’entre 100 000 et 250 000 femmes ont été violées pendant les trois mois du génocide rwandais en 1994 et que les milices armées ont violé plus de 60 000 femmes pendant la guerre civile en Sierra Leone et plus de 40 000 pendant le conflit au Libéria. [3] Bien souvent, les femmes ont moins de chances que les hommes de reprendre une vie normale, d’obtenir justice pour les violations de leurs droits fondamentaux et de contribuer à la réforme des lois et des institutions publiques après un conflit. De plus, elles sont très souvent tenues à l’écart des négociations de paix et des processus de reconstruction. [4]
La Résolution 1325 de l’ONU
Depuis 2000, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté sept résolutions « Femmes, Paix et Sécurité », centrées sur la place des femmes dans la construction de la paix, la reconstruction et pour lutter contre les violences spécifiques dont elles peuvent être victimes en temps de guerre. [4] La Résolution 1325, adopté le 31 octobre 2000, est la 1ère résolution à établir le lien entre les femmes et la paix et la sécurité. Elle reconnaît que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par les conflits avec un impact particulier via l’utilisation des violences sexuelles. [5]
En outre, la Résolution 1325 :
- « Demande instamment aux États Membres de faire en sorte que les femmes soient davantage représentées à tous les niveaux de prise de décisions dans les institutions et mécanismes nationaux, régionaux et internationaux pour la prévention, la gestion et le règlement des différends » ;
- « Demande à toutes les parties à un conflit armé de prendre des mesures particulières pour protéger les femmes et les petites filles contre les actes de violence sexiste, en particulier le viol et les autres formes de sévices sexuels, ainsi que contre toutes les autres formes de violence dans les situations de conflit armé ». [6]
Pour consulter le texte complet de la Résolution 1325: http://www.un.org/womenwatch/ods/S-RES-1325%282000%29-F.pdf
Pour consulter l’article Wikigender sur la Résolution 1325 de l’ONU : http://www.wikigender.org/fr/wiki/la-resolution-1325-du-conseil-de-securite-des-nations-unies/
Les autres résolutions
Dans le prolongement de la Résolution 1325, d’autres résolutions ont été adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU afin de consolider l’implication des femmes dans les processus de paix :
- Résolution 1820 de 2008 (consulté le 14/01/16) :Fait le lien entre la violence sexuelle en tant que tactique de guerre et les questions concernant les femmes, la paix et la sécurité. Cette résolution renforce la résolution 1325 et souligne que la violence sexuelle dans les conflits constitue un crime de guerre et exige des parties d’un conflit armé qu’elles prennent immédiatement des mesures appropriées pour protéger les civils. [7]
- Résolution 1888 de 2009 (consulté le 14/01/16) :Prolonge la résolution 1820, charge les missions de maintien de la paix de protéger les femmes et les enfants des violences sexuelles dans les conflits armés et demande au Secrétaire général de désigner un représentant spécial chargé de lutter contre les violences pendant ces conflits. [7]
- Résolution 1889 de 2009 (consulté le 14/01/16) : Appelle à renforcer la participation des femmes aux processus de paix et à concevoir des indicateurs permettant de mesurer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la résolution 1325. [7]
- Résolution 1960 de 2010 (consulté le 14/01/16) : Approfondit les questions à traiter concernant les femmes, la paix et la sécurité qui sont liées aux violences sexuelles. [7]
- Résolution 2106 de 2013 (consulté le 14/01/16) :Demande le renforcement des efforts des États Membres et des agences de l’ONU de s’acquitter des obligations qui leur incombent et de continuer à lutter contre l’impunité, en traduisant en justice les auteurs de violences sexuelles commises en période de conflit armé. La résolution 2106 réaffirme aussi que l’égalité des sexes et l’autonomisation politique, sociale et économique des femmes sont au cœur des efforts à long terme visant à prévenir les violences sexuelles en période de conflit armé et d’après conflit. [7]
- Résolution 2122 de 2013 (consulté le 14/01/16) :A pour objet de concrétiser les priorités adoptées dans la résolution 1325 et souligne l’importance de la participation des femmes à toutes les phases de la prévention des conflits, du règlement des conflits et de la consolidation de la paix. [7]
D’autres documents de référence importants comme le Programme d’action de Beijing de 1995 et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) de 1979 viennent renforcer ces résolutions. [4]
Des exemples d’implications des femmes dans les processus de paix
De 1998 à 2003, s’est tenue la deuxième guerre du Congo en République Démocratique du Congo. Ce conflit a impliqué neuf Etats africains et reste la plus grande guerre interétatique de l’histoire de l’Afrique contemporaine. [8] Selon les Nations Unies, plus de 200 000 femmes ont souffert de violences sexuelles depuis 1998. [8] Lors du processus de paix appelé « Dialogue Inter-congolais », qui a conduit à la signature de « l’Accord Global et Inclusif» le 17 décembre 2002, 43 femmes ont été impliquées contre 300 hommes. La faible représentativité des femmes s’expliquerait par le fait que le médiateur ait cherché en premier lieu à ressembler les personnes, principalement des hommes, directement impliquées dans le conflit. Leur exclusion a poussé les femmes à mettre en place une stratégie alternative consistant à associer des femmes expertes aux côtés des femmes membres des délégations officielles. Ainsi, les femmes ont réussi à mettre en place des actions communes et des initiatives de lobbying afin de faire aboutir les objectifs fixés à l’occasion du « Dialogue Inter-congolais » et surtout de prendre position au moment où il y a eu des blocages dans les négociations. [9]
Entre 1989-1996 et 2000-2003, le Libéria a connu deux guerres civiles. Les femmes ont joué un rôle important dans la résolution de ces conflits, notamment via des organisations de la société civile. Plusieurs organisations de femmes telles que l’AFELL (Association of Female Liberian Lawyers) et le MARWOPNET (Mano River Women’s Peace Network) ont manifesté activement contre les différents groupes armés. L’AFELL a réalisé un travail conséquent sur la reconnaissance du viol comme arme de guerre. L’association a d’ailleurs été autorisée à poursuivre les auteurs d’agressions sexuelles commises pendant les conflits. L’une des illustrations les plus significatives de l’autonomisation des femmes à la fin de la seconde guerre civile est l’élection, en novembre 2005, d’Ellen Johnson-Sirleaf à la tête du Libéria. Elle devient la première femme cheffe d’Etat africain. [10]
Références
- ONU Femmes, « Participation des femmes aux négociations de paix : Présence et influence », août 2012, http://www.unwomen.org/~/media/Headquarters/Media/Publications/fr/WPSsourcebook-03A-WomenPeaceNegotiations-fr%20pdf.pdf
- ONU Femmes, « Prévenir les Conflits, Transformer la Justice, Obtenir la Paix », Étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, 2015, http://wps.unwomen.org/~/media/files/un%20women/wps/highlights/language%20version%20of%20global%20study/unw-global-study-1325-2015-fr.pdf
- ONU, « Programme de communication sur le génocide au Rwanda », (consulté le 14/01/16), http://www.un.org/fr/preventgenocide/rwanda/sexual_violence.shtml
- Site Internet d’ONU Femmes, « Les femmes, la paix et la sécurité », (consulté le 14/01/16), http://www.unwomen.org/fr/what-we-do/peace-and-security
- Site Internet d’ONU Femmes, Centre virtuel de connaissances pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles, « Les femmes, la paix et la sécurité », (consulté le 14/01/16), http://www.endvawnow.org/fr/articles/1488-les-femmes-la-paix-et-la-securite-.html
- Conseil de sécurité des Nations Unies, Texte de la Résolution 1325 (2000), http://www.un.org/womenwatch/ods/S-RES-1325%282000%29-F.pdf
- Site Internet des Nations Unies, « Les femmes, la paix et la sécurité », (consulté le 14/01/16), http://www.un.org/fr/peacekeeping/issues/women/wps.shtml
- Frédéric Toussaint, Côme Peguet, « Le viol, une arme de guerre », Arte Info, 2014, (consulté le 14/01/15), http://info.arte.tv/fr/le-viol-une-arme-de-guerre
- Catherine Odimba, Paul Robain Namegabe, Julienne Baseke Nzabandora, « La participation des femmes dans les processus de paix et la prise de décision politique en République Démocratique du Congo », International Alert, Juillet 2012, http://www.international-alert.org/sites/default/files/publications/201209ParticipationFemmesRDC-FR.pdf
- OCDE, Wikigender, “The role of Women in Ending Liberia’s Civil War”, (consulté le 14/01/16), http://www.wikigender.org/wiki/the-role-of-women-in-ending-liberias-civil-war/#Women.E2.80.99s_Initiatives_during_the_two_Liberian_Civil_Wars
Liens externes
Annie Matundu–MBambi, « La Résolution 1325 : Quelle est sa portée effective pour la Femme Congolaise ? », 2007, http://www.observaction.org/wp-content/uploads/2015/05/R%C3%A9sulution-1325-RDC.pdf
Ressources d’ONU Femmes sur la thématique Femmes et Paix, (consulté le 14/01/16), http://www.unwomen.org/fr/digital-library/publications/2012/10/un-women-sourcebook-on-women-peace-and-security