Discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre
Partout dans le monde, de nombreuses personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) sont exposées à de graves violations de leurs droits humains en raison de préjugés homophobes et transphobes. Même si des avancées ont été enregistrées dans les législations de certains pays ces dernières années, l’ampleur de ces discriminations reste préoccupante.
Définitions
Les principes de Jogjakarta, élaborés en 2006 par une commission internationale de juristes pour lutter contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, proposent dans leur préambule les définitions suivantes :
Orientation sexuelle :
« L’orientation sexuelle est comprise comme faisant référence à la capacité de chacun de ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus du sexe opposé, de même sexe ou de plus d’un sexe, et d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus » (Principes de Jogjakarta, 2006).
Identité de genre :
« L’identité de genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire » ( Principes de Jogjakarta, 2006).
Les discriminations et violences commises à l’encontre d’individus en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre peuvent prendre plusieurs formes, notamment:
- Des agressions violentes sous forme d’insultes, de harcèlement psychologique, d’agressions physiques, de passages à tabac, de tortures, d’enlèvements et d’assassinats ciblés. Les personnes LGBT peuvent également être victimes de crimes «d’honneur», perpétrés par des membres de leur propre famille pour avoir transgressé les normes relatives au genre.
- Des lois pénales discriminatoires, souvent utilisées pour harceler et réprimer les personnes LGBT, notamment des lois pénalisant les relations homosexuelles entre adultes consentants.
- Des restrictions discriminatoires à la liberté de parole et restrictions connexes à l’exercice des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion.
- Des traitements discriminatoires au quotidien, sur le lieu de travail, à l’école, au sein du domicile familial, à l’hôpital etc (ONU/HCDH, n.d).
Ces discriminations peuvent souvent trouver leur origine dans les valeurs traditionnelles, préjugés et normes sociales renvoyant au genre et à la famille: les personnes LGBT sont alors perçues comme transgressant les frontières de ce qui forme l’essence d’une « femme » ou d’un « homme », transgression jugée inacceptable dans de nombreuses sociétés (Conseil de l’Europe, 2011).
Prévalence des discriminations : quelques chiffres
En 2015, au moins 76 États comptaient toujours des lois utilisées pour sanctionner pénalement et harceler des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre (HCDH, 2015). Le travestisme ou l’«imitation des personnes de sexe opposé» était parfois également pénalisé. Les sanctions encourues pouvaient aller jusqu’à la peine de mort, notamment en Arabie saoudite, en Mauritanie, en République islamique d’Iran, au Soudan et au Yémen, ainsi que dans certaines régions du Nigéria et de la Somalie (HCDH, 2015).
D’après les informations recueillies par le projet non-gouvernemental Trans Murder Monitoring sur le nombre d’homicides de personnes transgenres, 1 612 assassinats auraient été recensés dans 62 pays entre 2008 et 2014, soit un assassinat tous les deux jours (cité dans HCDH, 2015).
Le Comité contre la torture a maintes fois exprimé sa préoccupation au sujet des traitements dégradants infligés aux personnes LGBT en détention par des agents de l’État ou avec leur consentement. Par exemple, 44 membres d’une organisation LGBT ont fait l’objet d’arrestations, de coups et de mauvais traitements par la police au Zimbabwe. Au Bangladesh, une femme aurait été arrêtée parce qu’elle était lesbienne, puis battue et violée par des policiers alors qu’elle était en détention (HCDH, 2015).
Aucune région du monde n’est épargnée par les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Une étude menée en 2013 en Europe auprès de 93 000 personnes LGBT a ainsi démontré qu’un quart des participants avaient été agressés ou menacés au cours des cinq années précédentes (citée dans HCDH, 2015).
Progrès enregistrés ces dernières années
Bien que la prévalence des discriminations contre les personnes LGBT à travers le monde reste très élevée, les instances internationales des droits de l’homme ont noté des progrès au cours des dernières années.
Ainsi, entre 2011 et 2015, 14 États ont adopté des lois relatives à la lutte contre la discrimination et aux crimes de haine ou ont renforcé l’arsenal existant, en étendant la protection aux motifs d’orientation sexuelle et/ou d’identité de genre (HCDH, 2015).
Sur la même période, trois États ont dépénalisé l’homosexualité et 12 ont autorisé le mariage ou l’union civile de personnes de même sexe – portant le total d’États reconnaissant ce type d’unions à 34 en avril 2015. En outre, 10 États ont engagé des réformes pour faciliter la reconnaissance juridique de l’identité des personnes transgenre (HCDH, 2015).
Des dizaines de pays organisent par ailleurs une formation aux questions LGBT à l’intention des policiers, des juges, des gardiens de prison, du personnel médical et des enseignants en vue d’éliminer le harcèlement par les services de l’État (HCDH, 2015).
Les représentations des personnes LGBT dans l’espace public et les médias seraient également en train de changer, notamment grâce à des programmes télévisés donnant une image positive de personnages LGBT ou de célébrités révélant publiquement leur homosexualité ou leur bisexualité (HCDH, 2015).
Recommandations en vue de mettre fin aux discriminations
Les instances internationales des droits de l’homme ont rappelé à maintes reprises les obligations fondamentales des États concernant la protection des droits humains des personnes LGBT. Celles-ci, au nombre de 5, ne nécessitent pas la création de nouveaux droits mais la simple application du cadre international juridique existant en matière de droits de l’homme :
- Protéger les individus contre la violence homophobe et transphobe : cette obligation peut être satisfaite par l’adoption et la mise en œuvre de législations spécifiques contre les crimes haineux, la garantie d’enquêtes de poursuites effectives contre les auteurs de ces actes, des politiques d’asile reconnaissant les persécutions fondées sur l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, etc.
- Prévenir la torture et le traitement cruel, inhumain ou dégradant des personnes LGBT : cette obligation implique par exemple des mesures d’interdiction et d’enquêtes sur tous les actes de maltraitance par les agents de l’État, la traduction des responsables devant la justice ou encore des formations appropriées aux agents de l’État.
- Dépénaliser l’homosexualité et l’identité transgenre, en abrogeant toutes les lois criminalisant l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle.
- Interdire la discrimination basée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre à travers la mise en œuvre de lois exhaustives dans les domaines de l’emploi, de la santé, de l’éducation, etc.
- Respecter la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, en garantissant par exemple des permis pour les défilés, parades et autres rassemblements des personnes LGBT et en protégeant ces manifestations des menaces et des violences de la part des spectateurs (ONU/HCDH, 2013).
Au delà de la sphère juridique, l’engagement de la société civile, des médias et des citoyens est indispensable pour transformer les préjugés et attitudes qui nourrissent les discriminations. Parmi les exemples de campagnes de sensibilisation, on peut citer la vidéo musicale ‘The Welcome’ lancée par les Nations Unies en Avril 2014” en faveur des droits des personnes LGBT. De style Bollywood, la vidéo a été réalisée avec la célèbre actrice indienne Celina Jaitley et vue par plus de 2 millions de personnes.
Références
Alston, P. et al (2006), Les Principes de Jogkarta : Principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, http://www.ant-france.eu/ta2-lgbt%20-inter/doc/principes_de_yogjakarta.pdf
Conseil de l’Europe (2011), La discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre en Europe, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, https://www.coe.int/t/commissioner/Source/LGBT/LGBTStudy2011_fr.pdf
Haut-Commissariat aux droits de l’homme (2015), Discrimination et violence à l’encontre de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, A/HRC/19/41, http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/HRC/29/23&referer=/english/&Lang=F
Nations Unies et Haut Commissariat aux Droits de l’hommes (2013), Nés libres et égaux : Orientation sexuelle et identité de genre en droit international des droits de l’homme, http://www.ohchr.org/Documents/Publications/BornFreeAndEqualLowRes_FR.pdf
Nations Unies et Haut Commissariat aux Droits de l’hommes (n.d), Note d’information: Orientation sexuelle et identité de genre dans le droit international des droits de l’homme,http://www.ohchr.org/Documents/Issues/Discrimination/LGBT/FactSheets/unfe-11-UN_Fact_Sheets_GenderIdentity_French.pdf
Liens externes
Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne (2013), Enquête LGBT dans l’UE Enquête sur les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres dans l’Union européenne : Les résultats en bref, http://fra.europa.eu/sites/default/files/eu-lgbt-survey-results-at-a-glance_fr.pdf
OIT (2013), Discrimination au travail fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre: Résultats des études pilotes, http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—ed_norm/—relconf/documents/meetingdocument/wcms_222315.pdf