La ségrégation professionnelle femmes-hommes
Définitions
La ségrégation professionnelle peut se définir comme la tendance, pour les hommes et les femmes, à exercer des métiers différents. Elle s’apprécie principalement dans la répartition des sexes au sein de chaque profession, mais aussi en fonction des secteurs, des lieux de travail et des types de contrat de travail (Commission Européenne, 2014).
On distingue également la ségrégation horizontale, faisant référence à une catégorie de main d’œuvre constituée principalement d’un groupe de personnes ayant en commun le sexe (femmes infirmières et hommes ingénieurs par exemple) ou d’autres caractéristiques, de la ségrégation verticale, une situation dans laquelle les possibilités de progression de carrière sont limitées pour un groupe défini – le fameux « plafond de verre » auquel de nombreuses femmes sont confrontées au cours de leur carrière (OCDE, 2012).
La ségrégation professionnelle, en façonnant les trajectoires des femmes et des hommes sur le marché du travail, représente un enjeu majeur pour l’égalité des sexes (Commission Européenne, 2014 ; OCDE, 2012).
Ampleur du phénomène de ségrégation professionnelle
Malgré les progrès réalisés en matière d’éducation et de participation des femmes au marché du travail, la ségrégation professionnelle reste très marquée au cours des dernières années. Une étude récente de la Commission Européenne montre que seules 18 % des femmes exercent des professions mixtes, tandis que 69 % font des métiers à prédominance féminine. Elles ne sont que 13 % à exercer des professions à prédominance masculine (Commission Européenne, 2014).
Dans les pays de l’OCDE, les services représentent 80% de l’emploi féminin contre 60% pour les hommes. En moyenne, une femme sur trois employée dans les services travaille dans la vente et l’hôtellerie-restauration. La santé et les services de proximité obtiennent les plus forts taux de féminisation (78%) suivis de l’enseignement (70%), avec d’importantes variations d’un pays à l’autre (OCDE, 2012).
Dans les pays en développement, on a pu assister ces dernières années à une féminisation de l’agriculture, secteur peu valorisé impliquant souvent des travaux non-rémunérés (OCDE, 2012).
Les femmes présenteraient également des taux plus élevés d’occupation dans le service public que dans le secteur privé, ce qui les rendrait plus vulnérables aux politiques d’austérité (Commission Européenne, 2014).
Causes de la ségrégation professionnelle
Pour expliquer les causes de la ségrégation professionnelle, certains mettent en avant les facteurs liés à l’offre, c’est à dire les « choix » faits par les femmes et leurs talents ou inclinations supposés (Commission Européenne, 2014).
Les choix d’orientation, en particulier, s’avèrent déterminants. Les études de l’OCDE soulignent que les femmes restent très minoritaires dans les filières scientifiques, les technologies, l’ingénierie et les filières mathématiques, diplômes qui sont pourtant les plus demandés sur le marché du travail. Les stéréotypes concernant les matières dans lesquels les filles et les garçons sont censés exceller sembleraient jouer un rôle important dans ces choix, qui pèseront lourdement sur les opportunités professionnelles des femmes (voir notamment OCDE, 2012).
D’autres soulignent que les « choix » féminins seraient en réalité conditionnés par les contraintes liées à la prise en charge des enfants et les options d’emploi offertes aux femmes sur des marchés du travail spécifiques (Commission Européenne, 2014).
Le second type d’explication se concentre sur la demande, pointant du doigt le comportement des employeurs qui contribueraient, par leurs pratiques de recrutement et de management, à l’exclusion des femmes ou des hommes de certains types de postes (Commission Européenne, 2014).
Impact sur l’égalité femmes-hommes
La ségrégation professionnelle n’est pas nécessairement synonyme de sous-emploi pour les femmes. On observe ainsi la féminisation croissante d’emplois à haute valeur ajoutée, tels que la médecine, le droit ou la comptabilité. (Bettio and Verashchagina, 2009). De plus, le secteur des services, largement féminisé, est celui qui concentre actuellement les plus fortes créations d’emplois (OCDE, 2012).
Néanmoins, les opportunités d’emploi de qualité seraient plus rares dans les professions à prédominance féminine. Même dans les métiers traditionnellement féminins, les hommes ont en outre plus de chance d’occuper des postes de supervision (Commission Européenne, 2014).
Le rapport entre ségrégation et sous-évaluation du travail des femmes se manifeste à travers les cinq V:
- visibilité – les compétences peuvent ne pas être reconnues;
- valorisation – les compétences peuvent ne pas être considérées comme élevées;
- vocation – les compétences dans le domaine des soins à la personne ne sont pas récompensées, car elles seraient par nature gratifiantes;
- valeur ajoutée – les postes occupés par les femmes se concentrent dans les métiers à faible valeur ajoutée ou à forte intensité de main-d’œuvre;
- variance – les emplois qui ne se conforment pas à la norme masculine du travail à plein temps peuvent se voir attribuer une moindre valeur. (Commission Européenne, 2014, en référence aux travaux de Grimshaw et Rubery, 2007).
Politiques publiques en faveur de la mixité professionnelle
Plusieurs stratégies sont possibles pour favoriser une plus grande mixité professionnelle :
- D’une part, les politiques publiques peuvent tendre à revaloriser les statuts et les salaires des professions traditionnellement féminines, trop souvent sous-évaluées (OCDE, 2008).
- D’autre part, elles peuvent inciter les femmes à s’orienter plus largement vers les carrières scientifiques et technologiques (OCDE, 2008), en suscitant très tôt leur intérêt pour ces matières et en sensibilisant les enseignants aux stéréotypes sexués (OCDE, 2012).
Dans l’optique de pallier à la ségrégation verticale, certains Etats instaurent également des quotas de femmes pour les plus hauts organes décisionnels des entreprises (Commission européenne, 2012).La sensibilisation des employeurs et des partenaires sociaux aux enjeux de ségrégation professionnelle peut être essentielle pour atteindre les objectifs de mixité (Liébus, 2014).
Références
Bettio, F. and A. Verashchagina (2009), Gender segregation in the labour market. Root causes, implications and policy responses in the EU. Report by the European Commission’s Expert Group on Gender and Employment Issues, European Communities, Luxembourg: Bureau des publications de l’Union Européenne, ec.europa. eu/justice/gender-equality/document/index en.htm
Commission Européenne (2014), A New Method to Understand Occupational Gender Segregation in European Labour Markets. Luxembourg: Bureau des publications de l’Union Européenne, http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/documents/150119_segregation_report_web_en.pdf
Commission Européenne (2012), Les femmes dans les instances de décision économique au sein de l’UE: Rapport de suivi, Luxembourg: Bureau des publications de l’Union Européenne, http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/women-on-boards_fr.pdf
OCDE (2012), Inégalités hommes-femmes: Il est temps d’agir, OECD Publishing, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264179660-5-fr
OCDE (2008), Gender and Sustainable Development. Maximizing the Economic, Social and Environmental Role of Women. OECD Publishing, Paris, http://www.oecd.org/social/40881538.pdf
Liébus P. (2014), Agir pour la mixité des metiers. Avis du Conseil économique, social et environnemental. M. Patrick Liébus, rapporteur, La Documentation Française, Paris: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000737.pdf
Liens externes
Couppié, T. Dupray, A. et Moullet, S. (2012), « Ségrégation professionnelle et salaires en début de carrière: regard sur quelques professions », Formation emploi [En ligne], 118 | avril-juin 2012, http://formationemploi.revues.org/3587, consulté le 14 décembre 2015
Couppié, T. et Epiphane D. (2006), « La ségrégation des hommes et des femmes dans les métiers : entre héritage scolaire et construction sur le marché du travail », Formation emploi [En ligne], 93 | janvier-mars 2006, formationemploi.revues.org/2204, consulté le 14 décembre 2015.
Grimshaw, D. and Rubery, J. (2007), Undervaluing women’s work. European Work and Employment Research Centre, University of Manchester, Working Paper Series, No 53, Equal Opportunities Commission, http://www.equalityhumanrights.com/uploaded files/equalpay/undervaluing womens work.pdf
OCDE(2012), “What kind of careers do boys and girls expect for themselves?” PISA in Focus n°14, mars 2012, www.oecd.org/pisa/pisaproducts/pisainfocus/49829595.pdf
OCDE L’Observateur (n.d), La ségrégation des femmes sur le marché du travail, www.observateurocde.org/news/archivestory.php/aid/71/La_s_E9gr_E9gation_des_femmes_sur_le_march_E9_du_travail.html, consulté le 14 décembre 2015.