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Préférence pour les garçons en Asie du Sud
Préférence pour les garçons en Asie du Sud
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<h2><strong>Définition</strong></h2> <strong> </strong>Au début des années 1990, le Prix Nobel d’économie Amartya Sen estimait qu’il manquait environ 100 millions de femmes dans le monde en raison de traitements discriminatoires : avortements sélectifs, infanticides ou négligence expliqueraient ce déficit démographique (Sen, 1990). En 2010, les chercheurs Nicola Jones, Caroline Harper et Carol Watson ont proposé une notion plus globale, la « préférence donnée aux garçons », prenant en compte l’ensemble des différentiels d’investissements et de soins reçus par les filles et les garçons depuis leur conception (Jones et al, 2010). Alors que les déséquilibres démographiques entre femmes et hommes concerneraient seulement certaines régions (l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord), la préférence donnée aux garçons ainsi comprise serait beaucoup plus répandue. <h2>Mesurer la préférence pour les garçons en Asie du Sud</h2> Parmi les différentes tentatives de mesures de la préférence pour les garçons, l’indicateur « Institutions Sociales et Égalité femme-homme » (SIGI en anglais) élaboré par le Centre de développement de l’OCDE (2014), place l’Asie du Sud parmi les régions comptant les plus hauts niveaux de discriminations en la matière (SIGI – Site web). Ce classement est corroboré par d’autres études (voir par exemple FNUAP, 2012). Tout comme l’Asie du Sud, l’Est Asiatique et le Pacifique, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord font également partie des régions présentant une forte prévalence de préférence pour les garçons. En Afrique sub-saharienne en revanche, cette préférence reste subjective et ne se traduit pas dans les ratios démographiques, alors que l’Amérique Latine et les Caraïbes exprimeraient une préférence pour les filles (Jones et Al, 2010). Sur les 90 millions de femmes manquantes dénombrées dans le monde, l’Inde en compterait à elle seule près de 43 millions (selon des chiffres du PNUD datant de 2008). Loin de s’améliorer, le phénomène serait au contraire en train de s’amplifier, en particulier au sein des classes moyennes. Le nombre d’avortements sélectifs aurait augmenté au cours des deux dernières décennies, représentant un total estimé entre 4 et 12 millions entre 1980 et 2010 (SIGI – Site web; Jha P. et al, 2011). Les femmes manquantes sont également un sujet de préoccupation dans d’autres pays de la région, notamment l’Afghanistan. Une étude datant de 2003 estimait à l’époque le nombre de femmes manquantes dans ce pays à un million, soit la part la plus élevée au monde (SIGI – Site web). Le Népal ne semble pas particulièrement touché par le phénomène des femmes manquantes, mais le pourcentage de garçons (61%) chez les derniers enfants compte parmi les plus forts au monde (SIGI – Site web). En termes d’accès à la santé et à l’éducation, la préférence pour les garçons est également manifeste dans la région. Le taux de vaccination des filles de moins de 2 ans s’élevait à 41.5% en Inde en 2006-2007, contre 45.3% pour les garçons. Les taux de mortalité des filles de moins de cinq ans étaient également supérieurs de près de 10 point à ceux des garçons. Enfin les garçons étaient plus susceptibles de recevoir une éducation primaire et secondaire que les filles (SIGI – Site web). <h2><strong>Causes du phénomène en Asie du Sud</strong></h2> En Asie du Sud, la préférence pour les fils est déterminée par des facteurs multiples : <ul> <li><em>Economiques </em>: les fils sont considérés comme une ressource financière et une « assurance vieillesse » pour les parents, alors que les filles représenteraient un coût. Les institutions sociales comme la dot, très courantes dans la région, contribuent à alimenter ces perceptions. Ainsi, une publicité pour une clinique d'avortement en Inde invitait les parents à "payer 50 roupies maintenant pour économiser 50 00 roupies tard" (Jones et al, 2010). Une étude réalisée en Inde en 2008 montrait quant à elle que la dot était responsable du refus d’une femme sur cinq d’avoir des filles (Jones et al, 2010).</li> </ul> <ul> <li><em>Socio-culturels :</em> dans des sociétés patriarcales et patrilinéaires, le fait d’avoir un fils est synonyme de prestige social pour la famille, alors que les filles sont dévalorisées comme l’atteste par exemple ce quelque proverbe: « Elever une fille revient à arroser le jardin du voisin » (proverbe Punjabi, cité dans Jones et al, 2010).</li> </ul> <ul> <li><em>Technologiques </em>: La large diffusion des technologies de diagnostic prénatal, qui permettent aux parents de connaître le sexe de l’enfant à naitre, constitue un autre facteur qui exacerbe la préférence pour les garçons (UNFPA, 2012). En Inde, les avortements sélectifs auraient ainsi augmenté parmi les classes moyennes qui ont accès à ce type de technologies (SIGI, n.d.).</li> </ul> <h2>Conséquences sociales et démographiques pour la région</h2> Dans un pays comme l’Inde, des projections suggèrent que le nombre d'hommes célibataires cherchant à se marier pourrait dépasser le nombre correspondant de femmes célibataires de 50 à 60 % après 2030, et ce pour plusieurs décennies. (FNUAP, 2012). Un tel déséquilibre démographique est susceptible d’engendrer des tensions sociales, de la violence sexuelle et une augmentation du trafic de femmes et de filles. <strong> </strong> <h2>Surmonter la préférence pour les garçons : exemples d’initiatives menées en Asie du Sud</h2> Les efforts entrepris par les pays d’Asie du Sud pour répondre au problème de la préférence pour les garçons démontrent que les réformes juridiques ne sont pas suffisantes. Pour être efficaces, elles doivent être accompagnées par des actions de plaidoyer ainsi que d’autres mesures plus globales en faveur de l’émancipation des femmes et des filles. L’exemple indien illustre la nécessaire complémentarité des approches : <ul> <li><em>Les défis des réformes juridiques : </em>En 1994, l’Inde a adopté un Acte sur les techniques de diagnostic prénatal entré en vigueur en 1996. La législation a permis de mettre fin à la publicité sur la sélection prénatale du sexe de l’enfant, mais sa mise en œuvre est restée limitée en raison d’un manque de volonté des autorités et de la société. En 2000, une action en justice a été intentée par des activistes devant la Cour suprême, aboutissant à l’adoption de nouvelles directives gouvernementales pour renforcer l’exécution de la loi. En 2002, le texte a été amendé pour inclure les techniques de préconception et imposer des punitions beaucoup plus sévères aux médecins enfreignant la loi. Néanmoins, la plupart des actions intentées n’ont pas abouti et les sanctions sont restées timides à quelques exceptions près. En 2006, un médecin et son assistant ont été pour la première fois condamnés à une peine de prison de 2 ans assortie d’une amende (Jones et al, 2010). Dans une étude récente sur la préférence pour les garçons en Inde, le FNUAP (2013) recommande le développement d’un cadre juridique anti-discrimination beaucoup plus ambitieux, s’attaquant non seulement à la sélection prénatale mais aussi à la dot, au mariage précoce et aux violences sexuelles.</li> </ul> <ul> <li><em>Actions de plaidoyer et de communication :</em> Pour changer les mentalités dans la société, l’Inde a lancé en 2005 une grande campagne intitulée ‘Sauver les filles’ visant à mettre en lumière les accomplissements des jeunes filles indiennes. Des activités de sensibilisation des communautés, des femmes, des leaders spirituels et des éducateurs ont été menées. De grands rassemblements ont étés organisés et les couples ont été encouragés à faire le serment de ne pas pratiquer l’avortement sélectif. (Jones et al, 2010).</li> </ul> <ul> <li><em>Mesures de soutien pour l’émancipation des filles : </em>Le programme Balika Samridhi Yojana s’appuie sur des incitations financières pour contrer la préférence pour les garçons. Pour les deux premières filles de chaque famille, l’État effectue des dépôts périodiques d’argent de la naissance jusqu’à la majorité, à condition que les filles aillent à l’école régulièrement et qu’elles ne soient pas mariées précocement (Jones et al, 2010).</li> </ul> <h2><strong> </strong>Références</h2> Centre de développement de l’OCDE (2014), <em>Social Institutions and Gender Index. </em><em>2014 Synthesis Report</em>, Editions OCDE, Paris, <a href="http://www.genderindex.org/sites/default/files/docs/BrochureSIGI2015.pdf">www.genderindex.org/sites/default/files/docs/BrochureSIGI2015.pdf</a> FNUAP (2013), Laws and Son Preference in India: A Reality Check, Fonds des Nations Unies pour la Population, New Dehli, http://countryoffice.unfpa.org/india/drive/LawsandSonPreferenceinIndia.pdf FNUAP (2012), <em>Sex Imbalances at Birth: Current Trends, Consequences and Policy Implications, </em>UNFPA Asia and the Pacific Regional Office, Bangkok, <a href="http://www.unfpa.org/publications/sex-imbalances-birth"><em>http://www.unfpa.org/publications/sex-imbalances-birth</em></a> Jones, N., Harper, C. et Watson, S. (2010), <em>Stemming girls’ chronic poverty: Catalysing development change by building just social institutions</em>, Chronic Poverty Research Center, Manchester, <em><u>.chronicpoverty.org/publications/details/stemming-girls-chronic-poverty.</u></em> Sen, A.K. (1990), December “More Than 100 Million Women Are Missing”,<em> The New York Review of Books, </em>December 20, 1990 Issue <a href="http://www.nybooks.com/articles/1990/12/20/more-than-100-million-women-are-missing/">http://www.nybooks.com/articles/1990/12/20/more-than-100-million-women-are-missing/</a> Jha, P et al (2011), Trends in selective abortions of girls in India: analysis of nationally representative birth histories from 1990 to 2005 and census data from 1991 to 2011<em>, The Lancet</em>, publié en ligne le 24 mai 2011, https://www.unfpa.org/sites/default/files/resource-pdf/UNFPA_Publication-39857.pdf<strong> </strong> Social Institutions and Gender Index – Site Web (n.d), Centre de développement de l’OCDE, consulté le 24 janvier 2016, <a href="http://www.genderindex.org/">http://www.genderindex.org/</a> Beng, K.K., Ganapathy, N., Yee, T.H. (2015), “Asia’s gender imbalance “, <em>The Straight Times</em>, 8 juillet 2015, http://www.straitstimes.com/asia/south-asia/asias-gender-imbalance <h2></h2> <h2><strong>Liens externes</strong></h2> ONU Femmes (2011), La “préférence aux garçons” perpétue la discrimination et les violations des droits des femmes – Elle peut et doit cesser, http://www.unwomen.org/fr/news/stories/2011/6/son-preference-perpetuates-discrimination-and-violations-of-women-s-rights-it-must-and-can-end#sthash.NkSHkYiS.dpuf FNUAP – Site web (n.d.), Sélection pré-natale du sexe, consulté le 4 janvier 2016, http://www.unfpa.org/fr/s%C3%A9lection-pr%C3%A9natale-du-sexe OMS (2011), <em>Preventing gender-biased sex selection: an interagency statement by OHCHR, UNFPA, UNICEF, UN Women and WHO, World Health Organization, </em>Genève: <u>http://www.unfpa.org/resources/preventing-gender-biased-sex-selection</u>
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