L’accès à la sphère politique des femmes au Liban: une course à obstacles
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L’accès à la sphère politique des femmes au Liban: une course à obstacles
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<img class="aligncenter wp-image-24023" src="https://www.wikigender.org/wp-content/uploads/2019/10/ermwf-logo.png" alt="" width="295" height="255" /></em></pre> <p style="text-align: center;"><em>Article proposé et préparé par le Secrétariat de la Fondation des Femmes de l’Euro – Méditerranée</em></p> <p style="text-align: center;"><strong>Date de publication: 13 janvier 2020</strong></p> Table des matières
<h3>Introduction</h3> La République libanaise compte environ 6 millions d’habitants, dont un peu plus de la moitié sont des femmes. Selon la classification par Indice de Développement Humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) concernant 2018, le Liban est classé 93 sur un classement de 189 pays. Quant à l’indice du PNUD sur les inégalités entre les sexes, il occupe le 79e rang. Ces positions indiquent que cette petite république fait partie du groupe de pays ayant un indice de développement élevé et un niveau relativement modéré d’inégalité entre les sexes (1). Les conditions d’accès à l’éducation pour les femmes libanaises, ainsi que celles de leur présence sur le marché du travail, sont parmi les meilleures de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Cependant, dans la pratique, elles ne sont pas égales aux hommes devant la loi et leur présence dans le domaine politique est quasi inexistante. En fait, la représentation des femmes libanaises dans la sphère politique est encore plus faible que dans des pays de la même région avec un IDH inférieur, comme c’est le cas de la Libye, la Syrie, l’Irak ou la Jordanie (2). Un diagnostic de terrain sur la participation politique des femmes au Liban mené par l’association libanaise Committee for the Follow-Up on Women’s Issues (CFUWI) en 2017 a analysé les causes de cette incohérence plus spécifiquement dans la région de Mont-Liban, mais les résultats sont transportables à d’autres endroits du pays. L’étude a été réalisé dans le cadre du projet Pôles Locaux d’acteurs de l’égalité femmes-hommes© lancé par l’IEMed en synergie avec la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée et financé par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (France), visant à autonomiser les acteurs et actrices locaux/les et diffuser leurs actions et conclusions au niveau international (3). Le diagnostic a révélé que les facteurs responsables de ce problème résident dans la dimension sociale, économique, juridique et dans le système politique lui-même. Ce dernier, noyé dans le sectarisme religieux des 18 confessions qui cohabitent dans le pays, exerce une double discrimination envers les femmes (4). L’empressement à mettre fin à ce système et à revendiquer les droits des femmes a placé les Libanaises au premier plan des manifestations qui ont débuté le 17 octobre, dont l’élément déclencheur a été l’intention du Gouvernement d’appliquer des taxes progressives aux services de médias sociaux et aux produits de usage quotidien, mais qui ont donné lieu à des plaintes contre le Gouvernement et le modèle politique national. Ainsi, cet article explore le sectarisme religieux comme l’une des causes de la faible représentation féminine dans la sphère politique et d’autres obstacles détaillés dans le diagnostic de CFWUI; et souligne le rôle des femmes et des associations de femmes dans les protestes libanaises de 2019. L’accord de Taëf a marqué le début de la fin de cette guerre. Grâce à ce pacte, on a établi la répartition du pouvoir entre les principales confessions du pays : le président serait un chrétien maronite, le premier ministre un musulman sunnite et le porte-parole du parlement un musulman chiite (6). Cependant, une partie importante de la population n’a été même pas prise en compte dans cette équation « équitable »: les femmes. Construire un Gouvernement sur les fondements de confessions monothéistes et patriarcales est une garantie absolue de double discrimination et marginalisation des femmes (basée sur le genre et sur la confession) au niveau politique. Nonobstant, même avant l’accord de Taëf, le rôle des femmes dans ce domaine était minime. Depuis le moment où la première Libanaise a occupé un siège au Sénat en 1963, seulement 11 femmes sont passées par le Parlement. En outre, la légitimité de ces candidates a toujours été subordonnée à leur parenté avec des dirigeants politiques masculins, preuve du patriarcat que le système politique subit et de la suprématie de certaines familles (7). D’un côté, l’économie affecte à leur participation et présence dans les affaires publiques. Les femmes sont toujours moins présentes au marché du travail (surtout dû au modèle familial patriarcal) et, par conséquence, plus enclines à la pauvreté que les hommes. Quoique le pourcentage de Libanaises parmi la population active surpasse la moyenne de la région (23,5% contre 20,45% selon les données du PNUD du 2018), la différence par rapport au pourcentage de Libanais est énorme (23,5% contre 70,9%, PNUD 2018). Cela, outre le manque de soutien financier des parties politiques, constitue un mur entre les femmes et certaines procédures coûteuses mais élémentaires en politique, comme les campagnes électorales (10). D’un autre côté, l’inégalité femmes-hommes et les images traditionnelles concernant le rôle des femmes sont ancrées dans la société. D’une part, la discrimination à l’égard des femmes est dans les manuels scolaires et, d’autre part, les médias transmettent et commercialisent une image stéréotypée des femmes qui les éloigne du domaine de la politique (11). Au niveau juridique, bien que l’État libanais ait ratifié la Convention sur l’Élimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Égard des femmes (CEDEF) avec certaines réserves, celles-ci ne visent pas les articles 7 et 8 concernant l’égalité des droits politiques et civils féminins (12). Cependant, selon le diagnostic du CFWUI, aucune mesure n’a été proposée pour encourager et faciliter l’accès des femmes à la sphère politique. Le diagnostic révèle aussi que les femmes se retrouvent souvent reléguées au domaine associatif, dont l’impact est limité dû au manque d’influence de la société civile sur les responsables politiques et aux différences entre les associations en raison de la concurrence pour l’accès au financement et la segmentation confessionnelle. Cela est perçu comme une stratégie de l’élite gouvernante pour éloigner les femmes de l’appareil politique. <img class="wp-image-24122 size-large" src="https://www.wikigender.org/wp-content/uploads/2020/01/Image-OCDE-décembre-1024×683.png" alt="" width="739" height="493" /> L’accès à la sphère politique des femmes au Liban : une course à obstaclesNariman Chamaa, présidente et fondatrice de l’association « Donia for Sustainable Development », (13) journaliste et candidate au parlement en 2018, a dénoncé les difficultés qu’elle a traversé le long de sa candidature échoué : « certains candidats hommes ont payé aux entreprises de transports publiques pour s’assurer que juste leurs images et campagnes fussent affichées». En plus, l’application d’un système de quota est toujours sur le papier malgré les efforts d’associations comme CFWUI et Women in Front. Cette dernière a lancé en 2017 une campagne nationale de plaidoyer comprenant des vidéos promotionnelles pour sensibiliser les citoyen-ne-s aux avantages du quota féminin en tant que mesure temporaire pour accroître la représentation des femmes en politique et revendiquant un quota du 30% avant les élections de 2018 (14). La participation politique est devenue l’axe de leurs revendications et elles ne visent plus un quota du 30%, mais la parité totale. Elles considèrent que cette stratégie est la seule voie pour briser les obstacles à tous les niveaux et pour obtenir d’autres droits que l’on leurs refuse, comme celui de transmettre leur nationalité à leurs enfants si elles épousent des hommes étrangers ou celui d’un mariage civil avec des droits égaux en matière d’héritage, de divorce ou de garde des enfants. Elles demandent également la fin du mariage des mineures, pratique toujours en vigueur dans certaines régions (15). Les associations de femmes ne s’arrêtent pas. « Donia for Sustainable Development », membre de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée avant citée, a organisé le 21 novembre à Tripoli un dialogue sur le rôle des femmes dans la révolution et leur image dans les médias (16). Le fait que sa présidente et fondatrice, Nariman Chamaa, ait connu le même destin que la plus part des femmes candidates en 2018 n’est pas un élément démotivant mais, bien au contraire, une incitation qui nourrit la lutte pour une société égalitaire. Nonobstant, les protestes de 2019 sont devenues une chance pour les femmes de revendiquer la rupture avec le système politique confessionnel en vigueur et d’atteindre la parité totale. Établir un quota du 50% dans un appareil politique laïc est une mesure d’urgence indispensable pour garantir l’égalité femmes-hommes à tous les niveaux (économique, social, juridique et politique) et pour mettre fin à toute forme de violence et discriminations envers les femmes. Le rôle des médias et des associations de la société civile constituera un élément clé dans le dénouement de cette révolution à voix féminine et sans précédents. |