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Culture du viol
Culture du viol
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[toc] <h2>Définition</h2> <em>Origine du terme:</em> L’expression « culture du viol » est une traduction littérale de l’expression anglaise <em>rape culture</em>, introduite par des féministes américaines dans les années 1970. Le terme fut employé par la première fois dans l’ouvrage « Rape: The First Sourcebook for Women » publié aux Etats-Unis en 1974 par le groupe des New York Radical Feminists. En 1975, le documentaire américain <em>Rape Culture</em> popularise le terme. <em>Définition:</em> La culture du viol, telle que définie par la théorie féministe, est la manière dont le viol est perçu/ représenté dans l’imaginaire collectif, dans une société donnée et à une époque donnée. C’est un concept qui établit que la représentation du viol dans une société dépend d’un ensemble de croyances et d’attitudes. La littérature existante sur le sujet montre que la culture du viol découle de «mythes» qui faussent la réalité du viol telle qu’elle est perçue par les chiffres. Selon la théorie féministe, ces mythes témoignent de la persistance des stéréotypes de genre. On peut entretenir la culture du viol sans pour autant être un violeur soi-même ou soutenir le viol de manière publique. La culture du viol découle de croyances et d’attitudes profondément ancrées dans nos sociétés <em>et souvent relayées de manière inconsciente</em>. Elle suppose que les individus entretiennent un certain nombre d’idées reçues concernant la notion de consentement à l’acte sexuel, le profil des victimes de viol et celui des agresseurs. S’il est communément admis que personne, dans la société, n’encourage le viol de manière publique, la recherche montre que les individus ont souvent du mal à « reconnaitre » le viol tel que défini par la loi. Ceci explique par exemple, que des chercheurs qui demandent à des individus s’ils ont déjà commis un viol puissent obtenir des résultats très différents que lorsqu’ils demandent à ce même groupe d’individus s’ils ont déjà forcé une personne à avoir des relations sexuelles (Edwards Sarah R., Bradshaw Kathryn A., and Hinsz Verlin B., 2014). De la même façon, dire que la culture du viol existe dans un pays ne signifie pas forcément que le viol n’est pas reconnu et puni par la législation de ce pays. En revanche, cela signifie qu’un certain nombre de stéréotypes existants sont susceptibles de biaiser les jugements rendus par les tribunaux et que dans les faits, un grand nombre de violeurs ne sont pas condamnés (voir chiffres plus bas). <h2>La culture du viol repose sur de nombreux « mythes »</h2> Il existe de nombreux « mythes » sur le viol dans l’imaginaire collectif. Ces mythes peuvent également être relayés par les médias (Hirsch, 1994 ; Burt, 1980; Wise, 2013). <ol> <li><em>La victime exagère les faits ou ment:</em></li> </ol> La première idée fausse concernant le viol consiste à penser que la victime a exagéré ou menti, et conduit mettre en doute son récit, voire à le nier complètement. Par exemple, on peut reprocher à la victime de vouloir « attirer l’attention » en faisant de fausses déclarations, de mentir afin de porter atteinte à la réputation de son agresseur présumé. <ol start="2"> <li><em> La victime a consenti:</em></li> </ol> Un autre mythe sur le viol consiste à mettre en doute le récit de la victime, pour affirmer qu’elle a en fait consenti à avoir un rapport. Le consentement est l’acte de s’engager dans un acte sexuel de sa volonté propre, sans aucune contrainte et aucune pressions. Le consentement peut ainsi être retiré à tout moment. Consentir nécessite d’être en possession de ses moyens pour pouvoir exercer son libre- arbitre: c’est pourquoi une personne en très fort état d’ébriété ne peut pas toujours être en position de consentir. Or du fait de la culture du viol, l’état d’ébriété de la victime est souvent invoqué pour la décrédibiliser et nier son absence de consentement. <ol start="3"> <li><em> La victime a eu un comportement à risques</em>:</li> </ol> Ce mythe sur le viol consiste à dire que la victime a eu un rôle à jouer, de par son comportement, dans son agression. La corollaire de cette idée est que le comportement « provoquant» ou «risqué » de la victime minimise la gravité du viol qu’elle/il a subi. Quelques exemples de facteurs invoqués pour rejeter la faute sur la victime : tenue « provocante», sortie à des heures tardives, consommation excessive d’alcool, le fait que la victime ait invité l’agresseur a son domicile…etc. Dans le cas <a href="http://madame.lefigaro.fr/societe/viol-a-stanford-brock-turner-remis-en-liberte-060916-116216">Brock Turner</a>, très médiatisé aux Etats-Unis, la consommation excessive d’alcool de la victime et de son agresseur a été invoquée pour minimiser la gravité de l’acte. L’agresseur, pourtant reconnu coupable de viol sur une personne inconsciente, a été condamné a 6 mois de prison. <em> </em> <ol start="4"> <li><em> Le violeur est toujours un inconnu, qui agit de manière isolée</em>:</li> </ol> Les recherches basées sur des données attitudinales montre que dans l’imaginaire collectif, le violeur est «autre», il est psychologiquement instable, il porte les stigmates d’un « pervers », il commet son crime à l’extérieur. Cette idée est démentie par les chiffres, qui montrent que la victime connait souvent son agresseur. Il peut s’agir d’un ami, membre de la famille ou partenaire: dans le monde, presque un tiers (30%) des femmes déclarent avoir été victimes de violence physique et/ou sexuelle de la part d'un partenaire intime (WHO 2013). C’est une réalité qui n’est pas largement acceptée: dans de nombreux pays, le viol marital n’est toujours pas inscrit dans la loi car l’idée qu’une femme puisse être violée par son partenaire n’est pas encore admise. Sur les 160 pays étudiés dans l'édition 2014 de l'Indicateur Institutions Sociales et Egalité femme-homme (SIGI), 94 ne reconnaissent pas le viol marital comme un crime (OECD Development Centre 2014). <ol start="5"> <li><em>Seules les femmes sont violées</em>:</li> </ol> Encore une fois, cette idée est démentie par les chiffres, bien qu’il soit difficile d’estimer le nombre d’hommes victimes de violences sexuelles. Cette idée puise ses racines dans un certain nombre de stéréotypes de genre: contrairement aux hommes, les femmes peuvent contrôler leur désir sexuel et donc ne commettent pas de viols; les hommes ont «toujours envie » d’avoir un rapport sexuel, etc… Ces stéréotypes nourrissent aussi l’idée que seuls des hommes commettent des viols sur d’autres hommes. Il existe de nombreux autres mythes propagés par la culture du viol. Tous ces arguments sont fréquemment invoqués lors de procès, ce qui peut expliquer pourquoi peu de procédures aboutissent (voir chiffres plus bas). <h2>La culture du viol opère un basculement de la responsabilité</h2> La culture du viol se reflète dans les chiffres d’acceptation du viol et des violences sexuelles en général (voir chiffres plus bas). Dans la culture du viol, on trouve l’idée que le viol découle d’une « pulsion » de l’homme, l’idée que les hommes ont par nature des «besoins » sexuels impératifs et plus difficiles à contrôler que ceux des femmes (exemple: justifier le viol de guerre en invoquant les « pulsions » des soldats forcés au célibat). La culture du viol opère donc un basculement de la responsabilité: elle entretient l’idée que le viol est inévitable puisque inscrit dans une «nature » de l’homme, elle permet de trouver au violeur des circonstances atténuantes et suggère que les femmes victimes sont d’une certaine manière responsables de leur viol, qu’elles ont pu le « provoquer » en adoptant un comportement « à risques ». Ce basculement de la responsabilité se traduit dans la manière dont les sociétés combattent les agressions sexuelles : dans les campagnes gouvernementales, dans les discours (médiatiques, familiaux, mais aussi ceux du système éducatif), il arrive encore souvent qu’on enseigne aux femmes comment « ne pas se faire violer ». <h2></h2> <h2>La culture du viol entraine des phénomènes de double victimisation</h2> La double victimisation décrit une situation dans laquelle une victime de viol se trouve « doublement victimisée », car elle n’est pas prise en charge de manière adéquate par la personnel de police, le système judiciaire et médical, ou parce qu’elle est jugée négativement par son entourage. Exemples: policiers refusant de déclarer un viol comme tel, système judiciaire favorisant les victimes ayant des marques de coups «visibles », démarche judiciaire aboutissant en non-lieu... Lors de son étude menée en 1995 aux Etats-Unis, Ward montre que 24% des officiers de police, 11% des avocats et 6% des docteurs pensent que les femmes « sexuellement expérimentées » ne sont pas autant affectées par un viol (<a href="https://books.google.fr/books/about/Attitudes_Toward_Rape.html?id=xMbCelLAnqIC&redir_esc=y">Attitudes Toward Rape: Feminist and Social Psychological Perspectives</a>, Ward, 1995). Ainsi la recherche basée sur des données attitudinales montre que les professionnels de santé et de justice peuvent également perpétuer des stéréotypes et participer à entretenir la culture du viol. Lors d’un cas devenu célèbre, en 1999 en Italie, la Cour de Cassation déclara un homme non coupable du viol d’une jeune femme portant un jean serré, sous prétexte qu’il était impossible de retirer un tel jean «sans la coopération de la personne le portant». La Cour reprochait ainsi à la victime d’avoir « collaboré », soit de ne pas s’être assez débattue. <h2>Des chiffres pour comprendre</h2> En France : <ul> <li>En France, le violeur est connu de la victime dans 8 cas sur 10.</li> <li>96 % des Français reconnaissent le viol comme «le fait de forcer une personne qui le refuse à avoir un rapport sexuel»</li> <li>Quatre Français sur dix estiment que la responsabilité du violeur est atténuée si la victime a une attitude provocante en public</li> <li>Pour 61 % de Français, 65 % de Françaises, un homme a plus de mal «à maîtriser son désir sexuel qu’une femme»</li> <li>24 % des Français considèrent qu’une fellation forcée relève de l’agression sexuelle et non du viol.</li> <li>26 % des Français jugent que lorsqu’une victime ne résiste pas aux menaces de son assaillant, ce n’est pas un viol mais une agression sexuelle.</li> <li>21 % croient que les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées – 31 % chez les 18-24 ans (Source : <a href="http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/campagne2016/RAPPORT-ENQUETE2016_IPSOS-AMTV.pdf">Les Français-e-s et les représentations sur le viol et les violences sexuelles</a>, Enquete IPSOS, 2015)</li> </ul> <em>Dans le monde:</em> <ul> <li>Aux Etats-Unis en 1987, seulement 27% des femmes victimes d’une agression correspondant à la definition d’un viol se considèrent victimes de viol. (<em>I never called it rape</em>, Robin Warshaw, 1988)</li> <li>Aux Etats-Unis, 84% des étudiants hommes ayant commis un viol déclarent ne pas reconnaitre l’agression qu’ils ont commise comme un viol (<em>I never called it rape</em>, Robin Warshaw, 1988)</li> <li>Aux Etats-Unis, 1 étudiant sur 3 déclarent qu’il commettrait un viol s’il pouvait avoir la certitude que cela ne lui poserait aucun problème (<em><a href="http://online.liebertpub.com/doi/pdf/10.1089/vio.2014.0022">Denying Rape but Endorsing Forceful Intercourse: Exploring Differences Among Responders</a>,</em> Edwards Sarah R., Bradshaw Kathryn A., and Hinsz Verlin B., 2014)</li> <li>Aux Etats-Unis en 2004, 9% des étudiants hommes admettent commettre des actions qui correspondent à la définition légale du viol (<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15482033"><em>A longitudinal examination of male college students' perpetration of sexual assault</em></a>, Abbey A, McAuslan P.Abbey & McAuslan, 2004).</li> <li>Au Bangladesh, 82% des hommes vivant en milieu rural et 79% des hommes vivant en milieu urbain citent leur “droit au sexe » comme justification de leur viol. 61.2% des hommes vivant en milieu urbain ayant commis un viol déclarent ne pas s’être sentis coupables ou inquiétés. 95.1% d’entre eux n’ont pas été inquiétés par la justice (<a href="http://www.partners4prevention.org/about-prevention/research/men-and-violence-study">United Nations Multi-country Study on Men and Violence</a>, 2013)</li> <li>Au Cambodge, 45% des hommes interrogés citent leur “droit au sexe » comme justification de leur viol (<a href="http://www.partners4prevention.org/about-prevention/research/men-and-violence-study">United Nations Multi-country Study on Men and Violence</a>, 2013)</li> <li>Au Lesotho, en 2009, 15% déclarent qu’un mari est légitime s’il frappe ou bat sa femme parce qu’elle refuse d’avoir une relation sexuelle (DHS 2009).</li> <li>En 2013, au Nigéria, 34% d’hommes interrogés sur la question “Selon vous, quelle est la cause la plus fréquente du viol ? » répondent “une tenue vestimentaire indécente” (<a href="http://www.noi-polls.com/root/index.php?pid=152&parentid=14&ptid=1">NOI Polls</a>, 2013)</li> <li>En Turquie en 2003, 33% des officiers de police interrogés déclarent que «certaines femmes méritent d’être violées » et 66% considèrent que « l’apparence physique et le comportement d’une femme peut tenter les hommes à violer ». (<a href="https://business.highbeam.com/435388/article-1G1-111635867/turkish-university-students-attitudes-toward-rape"><em>Turkish university students' attitudes toward rape</em></a>, 2003)</li> <li>En Angleterre, 1 tiers des femmes interrogées déclarent que si une femme ne s’est pas défendue, alors elle n’a pas subi un viol. 60% des femmes considèrent qu’une femme qui n’a pas dit “non” n’a pas subi de viol (<a href="http://www.bbc.co.uk/newsbeat/article/23973673/third-of-women-say-there-are-varying-degrees-of-rape">Rape Crisis</a>, 2013)</li> <li>Au Canada, pour 1000 agressions s’apparentant à un viol, 33 cas sont déclarés aux autorités, 12 entrainent des poursuites, 6 sont traités en procès, et 3 seulement se terminent par une sentence (<a href="http://ywcacanada.ca/en/blog/35?page=1">YWCA Canada</a>, 2015)</li> </ul> <h1>Ressources</h1> <ul> <li>Noreen Connell and Cassandra Wilson, Rape: The First Sourcebook for Women, 1974</li> <li>Emilie Buchwald, Pamela R. Fletcher et Martha Roth, Transforming a Rape Culture, 1993</li> <li>Burt, M. R., « Cultural myths and supports for rape », Journal of personality and social psychology 1980</li> <li>Pollard, Paul “Judgements about victims and attackers in depicted rapes: A review”, Journal of social psychology, vol. 31</li> <li>Cultural Myths and Supports for Rape, Martha R. Burt (1980) <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.474.5745&rep=rep1&type=pdf">http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.474.5745&rep=rep1&type=pdf</a></li> <li>Rape Myths, Rape Definitions, and Probability of Conviction, Martha R Burt, Rochelle Semmel Albin (1981) <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1559-1816.1981.tb00739.x/full">http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1559-1816.1981.tb00739.x/full</a></li> <li>Stop Blaming the Victim: A Meta-Analysis on Rape Myths, Eliana Suarez (2010) <a href="http://jiv.sagepub.com/content/25/11/2010.short">http://jiv.sagepub.com/content/25/11/2010.short</a></li> <li>Fraternities and Collegiate Rape Culture, Boswell and Spade <a href="http://www.claytonschools.net/cms/lib/MO01000419/Centricity/Domain/243/Fraternities%20and%20Collegiate%20Rape%20Culture.pdf">http://www.claytonschools.net/cms/lib/MO01000419/Centricity/Domain/243/Fraternities%20and%20Collegiate%20Rape%20Culture.pdf</a></li> <li>The Rape Culture, Dianne F. Herman (1984) <a href="http://homepage.smc.edu/delpiccolo_guido/soc1/soc1readings/rape%20culture_final.pdf">http://homepage.smc.edu/delpiccolo_guido/soc1/soc1readings/rape%20culture_final.pdf</a></li> <li>Rape Myth Acceptance: Exploration of Its Structure and Its Measurement Using the Illinois Rape Myth Acceptance Scale. Payne, Lonsway and Fitzgerald (1999) <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0092656698922383">http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0092656698922383</a></li> <li>Talking about sexual assault: Society's response to survivors. Psychology of women. Sarah Ullman (2010) <a href="http://psycnet.apa.org/psycinfo/2009-18375-000/">http://psycnet.apa.org/psycinfo/2009-18375-000/</a></li> <li>Sexual Experiences Survey: A research instrument investigating sexual aggression and victimization. Mary Koss and Cheryl J. (1982) <a href="http://psycnet.apa.org/journals/ccp/50/3/455/">http://psycnet.apa.org/journals/ccp/50/3/455/</a></li> <li>I never called it rape (Robin Warshaw) 1988): <a href="http://www.powells.com/book/i-never-called-it-rape-9780060925727">http://www.powells.com/book/i-never-called-it-rape-9780060925727</a></li> <li>Rape Myth Acceptance In College Students: A Literature Review <a href="http://www.cluteinstitute.com/ojs/index.php/CIER/article/viewFile/1201/1185">http://www.cluteinstitute.com/ojs/index.php/CIER/article/viewFile/1201/1185</a></li> </ul>
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