La migration féminine
Quelques chiffres
En 2013, on recense dans le monde environ 232 millions de migrants internationaux, dont environ six sur dix vivent dans les régions développées. [1] Durant les années 1990, ce nombre a augmenté en moyenne de 2 millions par an puis de 4.6 millions par an pendant la période 2000-2010. Depuis 2010, la progression du nombre total de migrants a ralenti, dû en partie aux effets de la crise économique mondiale. [1]
Les femmes représentent presque la moitié de l’effectif mondial des migrants avec une part de 48%. Cependant, cette proportion varie considérablement d’une région à l’autre. En Europe, la part des femmes parmi les migrants est la plus élevée avec 51.9% contre 41.6% en Asie où les pays producteurs de pétrole exercent une forte demande de travailleurs masculins. [1] On note que la «fuite des cerveaux» est plus marquée pour les femmes que pour les hommes. Dans de nombreux pays d’origine, la part des femmes diplômées de l’enseignement tertiaire vivant hors de leur pays de naissance était supérieure à celle des hommes. En 2010-2011, l’écart atteignait 10 points au Congo, dans les Maldives, en Sierra Leone et au Togo. [1]
Une migration différente selon le genre
Les coûts et les opportunités de la migration féminine ne sont pas les mêmes que la migration masculine. [2] La probabilité de migrer pour les femmes est plus forte si elles sont célibataires et sans enfant, la situation s’inverse pour les hommes. [2] Cette différence s’observe aussi selon le niveau d’éducation. Les hommes possédant un niveau d’éducation élevé sont moins susceptibles de migrer par rapport aux femmes avec le même niveau d’études. Dans le pays d’origine, plus l’accès à l’éducation est meilleur pour les femmes, plus elles auront de possibilités d’emploi dans les pays de destination, ce qui explique en partie l’augmentation du nombre de migrantes. [2]
Si les femmes migrent souvent pour des raisons liées au regroupement familial ou aux demandes d’asile, elles sont de plus en plus nombreuses à migrer pour des raisons économiques. Les travailleuses migrantes jouent un rôle essentiel dans le marché du travail et apportent une contribution importante aux économies et aux sociétés des pays d’accueil. [3] Tandis que les hommes migrent dans divers secteurs économiques, les femmes restent principalement concentrées dans le secteur des services, notamment dans le secteur informel en tant que travailleuses domestiques, soignantes, travailleuses du sexe ou dans les industries de main-d’œuvre et de fabrication orientée vers l’exportation. [4]
Des discriminations plus importantes pour les femmes
Les femmes migrantes font face à des difficultés conséquentes dans l’accès à l’emploi, en particulier lorsque celles-ci sont issues des migrations non européennes. Elles se différencient des hommes par des taux d’activité et d’emploi plus faibles. Le taux d’emploi des femmes migrantes de 18 à 50 ans est de 58 %, 17 points au-dessous de la population native féminine. L’écart s’accroit est encore plus important pour les femmes originaires de pays non-européens: 21 points de différence. Le taux d’actifs occupés des hommes migrants est quant à lui très proche de celui des natifs. De plus, le chômage des migrant.e.s est aussi nettement plus élevé dans son versant féminin: 18,2% en moyenne pour les femmes originaires du Maghreb, de l’Afrique Sahélienne, de Turquie et de l’Asie du Sud-est contre 13,2% pour le versant masculin. [5] En travaillant principalement dans le secteur informel, les femmes ont tendance à être plus discriminées que leurs homologues masculins, car plus sujettes aux faibles salaires, aux niveaux de protection et de sécurité plus faibles et aux conditions de travail plus difficiles. [4]
Dans le contexte des flux migratoires provenant d’Afrique subsaharienne, les femmes sont exposées à un risque très élevé de violence sexuelle. En 2010, une enquête de Médecins sans Frontières (MSF) souligne que tout au long de leurs parcours migratoires, les femmes d’Afrique subsaharienne souhaitant rejoindre l’Europe par voie terrestre sont victimes de discriminations et de violences spécifiques. Une femme sur trois prise en charge par MSF à Rabat et Casablanca a admis avoir subi un ou plusieurs épisodes de violence sexuelle, que ce soit dans son pays d’origine, pendant le processus de migration ou une fois sur le territoire marocain. Ce chiffre semble sous-estimé, peu de femmes osent parler des agressions qu’elles ont subies et encore moins les dénoncer. [6]
Références
- OCDE, ONU, Les migrations internationales en chiffres, Contribution conjointe des Nations Unies/DAES et de l’OCDE au Dialogue de haut niveau des Nations Unies sur les migrations et le développement, 3-4 octobre 2013, http://www.oecd.org/fr/els/mig/les-migrations-internationales-en-chiffres.pdf
- Gaëlle Ferrant, Michele Tuccio, Estelle Loiseau, Keiko Nowacka, « The role of discriminatory social institutions in female South – South migration”, Centre de développement de l’OCDE, avril 2014, (en anglais), http://www.oecd.org/dev/development-gender/SIGI%20and%20Female%20Migration_final.pdf
- Moreno-Fontes Chammartin Gloria, Les migrations féminines : un nouveau défi pour repenser les politiques migratoires et favoriser leur contribution au développement, OIT, 2013, http://www.france-terre-asile.org/images/stories/publications/proasile/proasile-final-article-5.pdf
- UNFPA, International Migration and Development: Contributions and Recommendations of the International System, 2013, (en anglais), http://www.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/CEB%20Pub.%20International%20Migration%20and%20Development.pdf
- Olivier Noblecourt, L’égalité pour les femmes migrantes, Ministère des Droits des Femmes, février 2014, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000126.pdf
- Médecins Sans Frontières, Violence sexuelle et migration, la réalité cachée des femmes subsahariennes arrêtées au Maroc sur la route de l’Europe, 2010, http://www.msf.fr/sites/www.msf.fr/files/d87b284fadac0af3475f1f92bce47b3c.pdf
Liens externes
Cimade, « Petit guide pour conjuguer la migration au féminin », 2013, http://www.observaction.org/wp-content/uploads/2014/12/Petit-guidefemmes.pdf
Gaëlle Ferrant and Michele Tuccio, “How do female migration and gender discrimination in social institutions mutually influence each other?”, Centre de développement de l’OCDE, Working Paper n°326, mars 2015, (en anglais), http://www.oecd.org/dev/development-gender/WPAE%20326.pdf
Site de l’UNFPA sur la migration (consulté le 14/01/16), http://www.unfpa.org/fr/migration
Sophie Vause, Genre et migrations internationales Sud-Nord, une synthèse de la littérature, Université Catholique de Loudain, (date non mentionnée), https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/demo/documents/31._Sophie_Vause.pdf