Les femmes dans les conseils d’administration des entreprises
Définition et enjeux
Le conseil d’administration (CA) au sein d’une entreprise est un organe présentant une certaine indépendance par rapport à ses gestionnaires, qui définit la stratégie de l’entreprise et exerce un contrôle sur la gestion de l’entreprise (Les Échos, n.d.).
La représentation des femmes dans les conseils d’administration est un enjeu important, à la fois parce qu’elle est source de compétitivité pour les entreprises qui utilisent ainsi pleinement le capital humain disponible (Commission Européenne, 2015; Catalyst, 2015), mais aussi parce qu’elle permet de faire évoluer les mentalités sur la place des femmes dans les sphères de pouvoir.
Les efforts en vue d’assurer une meilleure représentation des femmes dans les CA font ainsi écho aux Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés par les Nations Unies en 2015. Entre autres cibles, ceux-ci affirment l’importance de « veiller à ce que les femmes participent pleinement et effectivement aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique, et y accèdent sur un pied d’égalité (ODD 5) ».
Quelques chiffres
- Les femmes représentent seulement 20% des sièges de toutes les entreprises cotées sur l’indice boursier américain S&P 500, selon l’agence Bloomberg (2016).
- Au sein de l’Union Européenne, seuls 21% des membres des conseils d’administration d’entreprises cotées en bourse sont des femmes, en augmentation de 9,3 points depuis 2010 (UE, 2015).
- La sous-représentation des femmes était encore plus marquée au niveau des présidents de conseils d’administration. Seules 3,6% des plus grosses entreprises cotées en bourse dans l’Union européenne avaient une femme PDG, un chiffre stable au cours des 3,5 dernières années (UE, 2015).
- Selon la Banque Africaine de développement, l’Afrique est la région en développement comptant le plus fort pourcentage de femmes au sein de conseils d’administration, à 14,4% contre 9,8% pour l’Asie-Pacifique, 8,5% pour l’Amérique Latine et les Caraïbes et 1% pour le Moyen-Orient (BAD, 2015; BID, 2016).
Freins à la mixité dans les conseils d’administration
D’après plusieurs études, les femmes administratrices considèrent que les stéréotypes et la culture du Old Boys Club restent les barrières les plus importantes à leur accession aux responsabilités au sein de l’entreprise (voir notamment St Onge et Magnan, 2013). Ainsi, les dirigeants/recruteurs peuvent avoir à l’esprit une construction masculine du leadership et ne parviennent pas à imaginer une femme dans des fonctions supérieures (St Onge et Magnan, 2013).
Si les discriminations directes, proscrites par la loi, sont rarement exprimées clairement, les discriminations indirectes jouent un rôle pernicieux. Celles-ci peuvent prendre la forme de critères apparemment neutres, formulés à tous les candidats. Par exemple, la tendance à vouloir pourvoir les postes d’administrateurs avec des candidats qui sont des PDG, alors même que les femmes représentent une infime portion de ces PDGs (St Onge et Magnan, 2013).
Les mentalités commencent néanmoins à évoluer, notamment grâce à une nouvelle génération de femmes PDGs comme Marissa Mayer chez Yahoo ou Indra Nooyi chez Pepsico, qui contribuent à faire émerger des modèles de leadership féminin au sein de l’entreprise.
Les quotas, un outil pour renforcer la mixité dans les conseils d’administration
Afin de renforcer la mixité au sein des conseils d’administration, au moins 9 pays avaient mis en œuvre en 2015 des quotas de femmes pour les entreprises cotées en bourses: l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Espagne, l’Islande, l’Inde, Israël, l’Italie et la Norvège. Les quotas variaient d’un pays à l’autre, allant de 20% en France jusqu’à 40% en Islande. En Israël et en Inde, les entreprises cotées en bourse devaient avoir au moins une femme au sein de leurs conseils d’administration (Banque mondiale, 2016).
L’Union Européenne examine actuellement un projet de directive visant à encourager ses États membres à garantir une représentation des femmes dans les conseils d’administration d’au moins 40% (Commission européenne, 2015).
Les quotas inscrits dans la législation semblent porter leurs fruits. Les pays de l’Union Européenne ayant enregistré la plus forte hausse de femmes dans les CA ces dernières années sont aussi ceux qui ont pris des mesures législatives ou lancé un débat public d’envergure sur le sujet : en Italie, la proportion de femmes dans les CA a ainsi augmenté de 21,2% et de 20,5% en France entre 2010 et 2015 (Commission européenne, 2015).
Pistes pour une plus grande mixité au sein des Conseils d’administration
La promotion des femmes au sein des instances de décision des entreprises peut être réalisée non seulement par des mesures législatives appropriées (comme par exemple l’instauration de quotas) mais aussi en impliquant étroitement le monde de l’entreprise et la société civile (BAD, 2015).
Des initiatives dans ce sens existent déjà, par exemple le réseau Catalyst Corporate Board Resource, soutenu par des grandes entreprises telles que General Motors, donne la possibilité aux PDG membres de sponsoriser les femmes qualifiées pour siéger en CA. Un répertoire de femmes candidates pour ce type de postes et recommandées par les PDGs du réseau est également proposé aux membres (Catalyst, n.d).
Une étude récente portant plus spécifiquement sur le continent africain recommande notamment :
- des recherches plus approfondies sur la situation des femmes au sein des conseils d’administration afin de pouvoir mesurer les obstacles et les progrès réalisés ;
- des rapports publics par les entreprises cotées sur la composition de leur CA ;
- de faire de la diversité du CA une condition à la cotation en bourse (BAD, 2015).
Références
Banque Africaine de Développement (2015), Where Are the Women: Inclusive Boardrooms in Africa’s top listed companies? http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/Where_are_the_Women_Inclusive_Boardrooms_in_Africa%E2%80%99s_top-listed_companies.pdf
Banque Interaméricaine de Développement (2016), “Female Corporate Leadership in Latin America and the Caribbean Region: Representation and Firm-Level Outcomes”, IDB working paper series Nº IDB-WP-655, https://publications.iadb.org/bitstream/handle/11319/7386/Female-Corporate-Leadership-in-Latin-America-and-the-Caribbean-Region-Representation-and-Firm-Level-Outcomes.pdf?sequence=1
Banque Mondiale (2015), Women, Business and the Law 2016 : Getting to Equal, http://wbl.worldbank.org/~/media/WBG/WBL/Documents/Reports/2016/Women-Business-and-the-Law-2016.pdf
Bloomberg (2016), « Women on Boards », Bloomberg Quick Take, http://www.bloombergview.com/quicktake/women-boards
Catalyst (2015), Companies Behaving Responsibly: Gender Diversity On Boards, http://www.catalyst.org/knowledge/companies-behaving-responsibly-gender-diversity-boards
Commission Européenne (2015), Gender balance on corporate boards > Europe is cracking the glass ceiling, http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/womenonboards/factsheet_women_on_boards_web_2015-10_en.pdf
Korn Ferry Institute (2015), Diversity Matters : Adding Colour to Boards in APAC, http://www.kornferry.com/institute/diversity-matters-adding-colour-boards-apac
Les Echos (n.d), « Conseil d’administration ou de surveillance et direction”, léxique financier consulté le 18 mars 2016, www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_conseil-dadministration-ou-de-surveillance-et-direction.html?OgkEzOk2jwjIVtDG.99
St-Onge, S. et Magnan, M. (2013), « Les femmes au sein des conseils d’administration: bilan des connaissances et voies de recherche futures », Finance Contrôle Stratégie, http://fcs.revues.org/1292
Liens externes
Crédit Suisse, European Diversity Quotas : we need another 400 women directors, https://www.credit-suisse.com/media/production/articles/news-and-expertise/docs/2015/06/diveristy-on-board/european-diversity-quotas.pdf
IFC (2015), Women on Boards: A Conversation with Male Directors, Focus 9, http://www.ifc.org/wps/wcm/connect/b51198804b07d3b2acabad77fcc2938e/Focus9_Women_on_Boards.pdf?MOD=AJPERES