Femmes réfugiées et demandeuses d’asile
Définitions
Selon l’article I de la Convention de Genève de 1951, le terme de réfugié s’applique à toute personne, qui “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.”
De nombreux pays reconnaissent désormais le principe selon lequel la définition du réfugié contenue dans la Convention de 1951 englobe les formes de persécution liée au genre – comme par exemple le fait de fuir son pays pour échapper aux mutilations génitales féminines ou aux mariages forcés (HCR, 2008).
Un demandeur d’asile est une personne qui dit être un(e) réfugié(e) mais dont la demande est encore en cours d’examen (HCR, n.d.)
Les réfugiés ont droit à une protection de la part des États, notamment:
- l’assurance de ne pas être renvoyé chez eux face aux dangers qu’ils ont fuis;
- l’accès à des procédures d’asile justes et efficaces;
- et des mesures visant à assurer que leurs droits fondamentaux sont respectés afin de leur permettre de vivre dans la dignité et la sécurité tout en les aidant à trouver une solution à long terme (HCR, 2015)
Le terme de réfugié ne doit pas être confondu avec celui de migrant : tandis que les réfugiés fuient les guerres et les persécutions, les migrants choisissent de s’en aller non pas en raison d’une menace directe, mais surtout afin d’améliorer leurs conditions de vie (HCR, 2015).
Quelques chiffres
Fin 2014, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) estimait qu’il y avait environ 59, 5 millions de personnes déplacées de force dans le monde (HCR, 2015).
Près de 50% de l’ensemble des populations réfugiées dans le monde seraient des femmes, selon le HCR (n.d).
En 2015, plus d’un million de demandeurs d’asile, fuyant principalement le conflit syrien, ont traversé la méditerranée pour tenter de rallier l’Europe de l’Ouest, aboutissant à la plus grave crise de réfugiés depuis la deuxième guerre mondiale. On estime que 42 % de ces personnes étaient des femmes et des enfants en novembre 2015 (respectivement 17 et 25%). Le nombre de femmes et de filles a augmenté de 10% entre mai et novembre 2015 (ONU Femmes, 2016)
Risques et difficultés rencontrées par les femmes réfugiées
Tout au long de leur parcours, les femmes réfugiées et demandeuses d’asile font face des risques et des difficultés spécifiques :
- Pendant les conflits qu’elles fuient, les femmes sont souvent les cibles de violences sexuelles et sexistes: viol, traite, esclavage sexuel et propagation intentionnelle d’infections sexuellement transmissibles comme le VIH/sida, etc. Elles sont également susceptibles d’être recrutées de force par des groupes armés, en tant que combattantes ou à des fins d’exploitation sexuelle ou d’autres tâches (HCR, 2008 ; voir également l’article sur la résolution 1325 du Conseil de Sécurité sur les femmes dans les conflits).
- Pendant leur périple pour fuir leur pays, femmes sont exposées à des risques d’agressions, d’exploitation et de harcèlement sexuel tout au long de leur trajet. Une étude récente d’Amnesty International (2016) portant sur le parcours des femmes fuyant la Syrie et l’Irak montre qu’elles sont souvent prises pour cible par les passeurs, en particulier lorsqu’elles voyagent seules. Lorsqu’elles ne sont pas en mesure de payer le trajet, les passeurs essaient notamment de les forcer à avoir des relations sexuelles. Les femmes interrogées par Amnesty se sont également senties menacées sur les zones et camps de transit en territoires européens, où elles ont dû dormir aux côtés d’hommes réfugiés, partageant parfois les mêmes douches et sanitaires. Les femmes enceintes ont évoqué le manque de nourriture et de services de santé essentiels. Certaines ont aussi rapporté avoir été soumises à des brutalités par les forces de l’ordre (Amnesty, 2016) lors du passage des frontières.
- Les procédures de demande d’asile peuvent poser des difficultés particulières pour les femmes. Elles peuvent ainsi être réticentes à évoquer les persécutions traumatiques dont elles ont fait l’objet devant des interprètes et des agents de protection des réfugiés masculins, compromettant ainsi leurs chances d’obtenir l’asile. En outre, lorsqu’une famille demande l’asile, les hommes sont généralement considérés comme le « demandeur principal » et par conséquent le porte parole de l’ensemble de la famille, au risque de négliger les voix des femmes et des filles. Cela peut aussi rendre plus difficile la reconnaissance des persécutions subies par les femmes et des filles, qui peuvent aussi avoir lieu au sein même de la famille (HCR, 2008).
- Même dans les camps de réfugiés, la sécurité des femmes n’est pas toujours assurée. L’extrême précarité entraine une hausse de la violence domestique. Les femmes et les filles peuvent être attaquées quand elles cherchent du bois de chauffe ou de l’eau en dehors du camp. L’absence de ressources rend les adolescentes plus vulnérables aux mariages précoces, tandis que le travail sexuel peut devenir pour certaines l’unique moyen de survie. (HCR, 2008)
Pistes pour mieux protéger les femmes réfugiées et demandeuses d’asile
ONU-Femmes (2016) a récemment conduit une évaluation des besoins des femmes demandeuses d’asile en Serbie et en Macédoine qui a conclu que les interventions mises en œuvre ne répondaient pas entièrement à leurs vulnérabilités particulières.
L’évaluation d’ONU Femmes a relevé que certains efforts actuellement déployés contribuaient positivement à la protection des femmes réfugiées tels que :
- Le repérage rapide des groupes vulnérables (dont les femmes et les filles) dans les centres d’enregistrement ;
- la distribution de kits d’hygiène et de vêtements pour les femmes ;
- l’offre de quelques services de santé sexuelle et procréative ;
- la collecte et la communication de données ventilées par sexe et par âge
- l’aménagement d’abris pour les femmes avec des enfants en bas âge.
L’évaluation fait néanmoins ressortir la nécessité de renforcer les services ciblant les femmes et les filles, en proposant notamment :
- des mesures de prévention des violences sexuelles et des violences fondées sur le genre ;
- un soutien psychologique face aux traumatismes ;
- l’aménagement systématique d’espaces spécifiquement réservés aux femmes (dortoirs, douches, sanitaires, etc.) ;
- le renforcement des capacités d’enregistrement aux centres de transit et des points d’entrée afin d’assurer la collecte de données détaillées ventilées par sexe ;
- le déploiement de services gynécologiques à plein temps dans les centres de transit et de réception.
En dehors des interventions en zones de transit, ONU Femmes promeut l’établissement d’un réseau d’ONG locales – notamment d’associations féminines – reliant les pays originaires des réfugiés à ceux des pays de transit et de destination, dans le but de mieux coordonner les interventions en cours et de renforcer le plaidoyer pour la prise en compte des droits femmes et des filles.
Amnesty International (2016) recommande aux gouvernements européens de proposer des itinéraires sûrs et légaux dès le début aux demandeurs d’asile afin d’éviter que les femmes se retrouvent soumises aux abus des passeurs et à l’insécurité de la traversée.
Pour les situations d’asile qui s’inscrivent dans la durée, le HCR met l’accent sur l’autonomisation économique et sociale des femmes à travers son initiative Women Leading for Livelihoods (WLL). Lancé en 2008, le programme part du principe que les femmes, loin d’être des bénéficiaires passives de l’aide humanitaire, sont capables de changer leurs vies et celles de leurs familles lorsqu’on leur en donne les moyens. Le programme vise à faire tomber les barrières qui entravent l’accès à l’emploi des femmes réfugiées : restrictions juridiques, traumatismes physiques et psychologiques, manque de ressources financières, problèmes de garde d’enfant, compétences inadaptées à leur environnement, etc. (HCR, n.d). Dans ce cadre, WLL a par exemple financé MakaPad, une entreprise employant des femmes réfugiées en Ouganda, pour produire des protections hygiéniques jetables et écologiques à bas coûts, à partir de branches de roseaux.
Références
Amnesty International (2016), Communiqué de presse, “Les femmes réfugiées risquent agressions, exploitation et harcèlement sexuel lors de leur traversée de l’Europe”,http://www.amnesty.fr/Presse/Communiques-de-presse/Les-femmes-refugiees-risquent-agressions-exploitation-et-harcelement-sexuel-lors-de-leur-traversee-d-17330
HCR (2015), Des déplacements de population plus importants que jamais, article d’actualité du 18 juin 2015, http://www.unhcr.fr/5581a037c.html
HCR (2015), Point de vue du HCR: « Réfugié » ou « migrant »? Quel est le mot juste? Article d’actualité du 31 août 2015, http://www.unhcr.fr/55e45d87c.html
HCR (2008), Manuel du HCR pour la protection des femmes et des filles, http://www.unhcr.fr/4c8f3fd96.html
HCR (n.d.), demandeur d’asile, page web consultée le 7 mars 2016 http://www.unhcr.fr/5581a037c.html
HCR (n.d.), femmes, page web consultée le 7 mars 2016, http://www.unhcr.fr/pages/4aae621d36e.html
ONU-Femmes (2016), Gender Assessment of the Refugee and Migration Crisis in Serbia and fYR Macedonia,http://eca.unwomen.org/en/digital-library/publications/2016/01/gender-assessment-of-the-refugee-and-migration-crisis-in-serbia-and-fyr-macedonia#sthash.o2D7IZ41.dpuf
Liens externes
HCR (2003), La violence sexuelle et sexiste contre les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées – principes directeurs pour la prevention et l’intervention, http://www.unhcr.fr/4ad2f840e.html
Parlement Européen (2012), Demandes d’asile liées au genre en Europe, http://www.cir-onlus.org/images/pdf/gen%20sen.pdf