« Promouvoir la participation économique des femmes en Méditerranée occidentale » : les initiatives de trois membres du réseau de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée
Article proposé par le Secrétariat de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée
Suite à leur participation à la conférence intitulée « Promouvoir la participation économique des femmes en Méditerranée occidentale », cet article porte sur les initiatives de trois membres du réseau de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée : Jossour – Forum des femmes marocaines, WIBA – Women in Business of Algeria et Jusoor, Center for Studies and Development. L’article vise à contextualiser la conférence, organisé par l’Institut Européen de la Méditerranée (IEMed) dans le cadre de l’initiative MedThink 5+5, tout en se focalisant sur les initiatives et les recommandations formulées par ces trois associations lors de cet événement.
Table des matières
- Introduction : présentation de la conférence
- Présentation des associations et de leurs initiatives
- Jossour – Forum des Femmes Marocaines (Jossour FFM)
- Jusoor Center for Studies and Development (Libye)
- Women in Business of Algeria (WIBA)
- Leurs recommandations
- Bibliographie
Cet article fait suite à la conférence organisée par l’Institut Européen de la Méditerranée (IEMed) – membre fondateur de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranéenne – « Promouvoir la participation économique des femmes en Méditerranée occidentale, » qui s’est tenu le 7 mai 2020 en ligne.[1] Cette conférence visait à cartographier les disparités économiques de genre qui traversent la région de la Méditerranée occidentale tout en présentant des pratiques réussies qui favorisent la participation économique des femmes dans les pays de la zone. Pour se faire, les conférenciers et conférencières se sont appuyé.e.s sur les indicateurs de genre validés par les 42 pays de l’Union pour la Méditerranée (UpM) en 2020.[2] Cet événement a eu lieu dans le cadre de la co-présidence espagnole 2021 du Dialogue 5 + 5.[3]
Sous la direction du ministère espagnol des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération, et dans le cadre du réseau MedThink 5 + 5 de think tanks de la Méditerranée occidentale, cette conférence vise à formuler des recommandations politiques aux ministres des Affaires étrangères de la région dans le cadre de leur réunion annuelle sous la co-présidence espagnole du Dialogue 5 + 5.
La conférence s’est déroulée en deux parties. Suite à l’allocution de bienvenue par Senéne Florensa (président du Comité exécutif de l’IEMed), la première partie a été consacrée à des remarques introductives par Cristina Gallach Figueras (Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, au ministère des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération du Gouvernement d’Espagne), Nasser Kamel (Secrétaire général de l’UpM) et Carlos Conde (Chef de la Division Moyen-Orient Afrique, Secrétariat des Relations mondiales et membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques). Leurs interventions ont souligné l’importance d’initiatives comme celle de la conférence afin d’identifier les défis communs à la région dans le domaine socio-économique, et de partager des bonnes pratiques qui peuvent être extrapolées. La deuxième partie s’est organisée sous format d’une table ronde, modérée par Myriem Ouchen Noussairi, de l’ONU Femmes Maghreb, avec la participation de différents membres du réseau de la FFEM.
La Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée se félicite de la participation de trois des leaders d’organisations membres de son réseau (Jossour – Forum des femmes marocaines, WIBA – Women in Business of Algeria et Jusoor, Center for Studies and Development) à cette conférence, et salue la présence de la présidente de la Chambre nationale tunisienne des Femmes Cheffes d’Entreprises (CNFCE). Durant la table ronde réunissant des représentantes d’organisations de la société civile, ont été mises en avant les initiatives nationales ayant déjà eu un impact aux niveaux économique et des politiques publiques dans leurs contextes respectifs. En outre, les représentantes ont proposé des recommandations de politiques publiques visant à ouvrir la voie à des transformations économiques et sociales profondes. L’article participe à la diffusion des discours et propositions des membres de notre réseau.
Jossour – Forum des Femmes Marocaines (Jossour FFM)
Dr. Omayma Achour, Présidente de Jossour – Forum des Femmes marocaines, a été la première à intervenir lors de la table ronde réunissant les représentantes d’associations. Jossour – Forum des Femmes Marocaines (Jossour FFM) est une association féminine à but non lucratif, qui a été créée en 1995.[4] Les membres de l’association militent pour la promotion des droits des femmes et le renforcement de la présence féminine sur la scène nationale, et ce, dans les domaines économique, social, culturel, juridique, ainsi que pour la participation politique et aux postes de décision. Jossour FFM bénéficie depuis 2014 du statut consultatif du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC).
Dr. Achour a commencé son intervention en soulignant que la crise sanitaire a mis les femmes au cœur des intérêts politiques et a également mis en lumière des inégalités exacerbées dans tous les secteurs. Les rapports de l’ONU Femmes, et de l’OCDE distinguent plusieurs inégalités dans différents domaines (juridique, social, sanitaire, digital, politique).[5] Au Maroc, la pandémie invite à une réflexion sur le cadre du travail et des conditions de vie des femmes, selon la présidente de Jossour. La situation nécessite de revoir les lois sur les violences à l’égard des femmes et demande de stabiliser les systèmes de protection sociale. Dr. Achour a souligné l’importance de prendre en compte des fractures sociales, digitales, territoriales. La pandémie a un impact économique important, qui requiert la rationalisation des dépenses publiques, mais aussi une certaine flexibilité à travers l’allègement de certaines charges, l’allongement des délais de paiement, et l’indemnité pour les personnes vulnérables dans certains secteurs, entre autres. Dans ce sens-là, la Dr. Achour rapportait que certaines personnes ayant des maladies chroniques ne pouvaient pas aller voir leur médecin. Par ailleurs, elle ajoutait qu’on observe des disparités importantes entre le monde rural et urbain et qu’on voit aussi de nouveaux problèmes de santé liés à la charge mentale du confinement.
Jusoor Center for Studies and Development (Libye)
Hala Bugaighis a cofondé en 2015 Jusoor Center for Studies and Development, une association Libyenne.[6] Jusoor travaille pour la production de recherches et d’études et œuvre pour la création d’emploi et souhaite donner des opportunités d’emploi aux femmes libyennes. À cet égard, Jossour a créé un incubateur de start ups et a apporté du soutien à près de huit cents femmes libyennes.
Pendant son intervention, dans un premier temps, Bugaighis a présenté le contexte libyen et celui de la participation économique des femmes. Elle a fait référence au développement du secteur privé en Libye dans les années 1970 après l’indépendance, en soulignant qu’après la révolution de 1969 le régime a adopté des attitudes hostiles vers le secteur jusqu’aux années 1990. Dans un second temps, Bugaighis a parlé de la place des femmes dans le secteur privé. Après la révolution, de plus en plus de femmes entrepreneuses sont apparues ; majoritairement tournées vers le domaine des services, et notamment dans le secteur informel. Aujourd’hui, parmi les femmes libyennes, un pourcentage très bas est propriétaires ou ont accès aux services financiers parce que les services bancaires ne sont pas sensibles aux inégalités de genre. De la même manière, un nombre faible de femmes entrent dans le monde des affaires, et si elles le font, c’est souvent par le biais du secteur informel.
Finalement, la co-fondatrice de Jusoor a fait référence au contexte pandémique. Ainsi, elle a remarqué que les femmes ont été reconnues particulièrement vulnérables durant la pandémie. Cependant, le Gouvernement Libyen s’est montré incapable de répondre aux besoins du secteur informel et a peu investi dans le secteur formel privé. En conséquence, beaucoup de femmes n’ont pas de contrat pour protéger leurs droits. Bugaighis a conclu en disant qu’en Libye, la priorité est donnée à la guerre, qui prime sur les intérêts économiques.
Women in Business of Algeria (WIBA)
Fairouz Habache est la Présidente de Women in Business of Algeria (WIBA).[7] Cette association vise à faire sortir les femmes algériennes de l’isolement, en les aidants à créer leur propre domaine d’activité. WIBA met en place des ateliers, des séances de coaching et de mentoring ayant pour but de renforcer l’autonomie des femmes et leur volonté d’entreprendre.
Durant la conférence, Habache a réaffirmé l’importance de la création d’entreprises dirigées par des femmes. Elle a souligné l’importance de promouvoir l’innovation et la recherche des femmes, et de créer une plateforme d’échanges entre les femmes. Habache suggère qu’il est essentiel de créer un réseau entre les régions et les métiers. Comme les autres intervenantes, la présidente de WIBA a aussi fait référence à la Covid-19. Habache a expliqué que, durant la pandémie, WIBA a organisé des webinars sur l’impact de la Covid sur la vie des femmes et des activités de mentoring pour encourager les femmes à entreprendre.
Contrairement à la situation en Libye, des dispositifs ont été mis en place par l’Algérie, tels que des incubateurs privés et publics et des fonds de garantie de crédits pour les PME. Malgré cela, et comme souligné par Habache, les femmes rencontrent des barrières pour intégrer le marché du travail et des contraintes d’accès aux investissements. Habache a rappelé que l’Algérie est plongée dans une crise économique et que dans ce contexte trois fois plus d’entreprises dirigées par des femmes ont été touchées, en comparaison avec des entreprises gérées par des hommes. C’est pour cela que Habache conseille de prévoir des programmes de renforcement des entreprises dirigées par des femmes, en ligne avec le plan de secours de petites entreprises dirigées par des femmes élaboré par WIBA. Ce plan, que WIBA proposera à l’État algérien, comprend les étapes suivantes: évaluer la situation, fournir un diagnostic, prévoir un accompagnement, redresser les entreprises et former les managers.
Dans le cadre de la conférence, les représentantes d’associations ont formulé des recommandations politiques.
Recommandation 1 : Mettre en place des mesures et incitatives pour encourager les femmes à entrer dans l’emploi formel.
Recommandation 2 : Mettre en place des dispositifs de soutien aux entreprises de femmes pour les soutenir dans la crise. Les femmes entrepreneures doivent pouvoir avoir un accès égalitaire au financement et aux technologies. Par ailleurs, leur entrée dans l’économie du numérique doit être facilitée.
Recommandation 3 : Mettre en place une réforme juridique. Les lois, les politiques publiques, leur mise en œuvre et application doivent être sensibles au genre, et ne pas être vectrices d’inégalités de genre.
Recommandation 4 : Généraliser l’aide sociale, favoriser la mise en place de politiques publiques égalitaires qui visent les populations vulnérables durant les crises afin de permettre de protéger les victimes de violences et faciliter des transitions en cas de perte d’emploi.
Recommandation 5 : Encourager la collecte de données qui tiennent en compte le genre, pour comprendre les conditions de travail des femmes, et formuler des recommandations politiques adaptées.
Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée (2021) « WEBINAIRE – Promouvoir la participation économique des femmes en Méditerranée occidentale ».
Les indicateurs ont été présentés lors de la Réunion de dialogue régional de l’UpM pour l’autonomisation des femmes, tenue en novembre, en ligne avec l’initiative de l’UpM d’établir un mécanisme régional intergouvernemental de suivi sur l’égalité entre les sexes.
ONU Femmes. « ONU Femmes: l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. » https://www.un.org/youthenvoy/fr/2013/07/onu-femmes-lentite-nations-unies-legalite-sexes-lautonomisation-femmes/
OCDE. “Le portail de données OCDE sur l’égalité femmes-hommes » https://www.oecd.org/fr/parite/donnees/
Profil de Jusoor sur la Plateforme en ligne de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée.
Profil de WIBA sur la Plateforme en ligne de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée.
Profil de Jossour sur la plateforme en ligne de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée.
[1] Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée (2021) « WEBINAIRE – Promouvoir la participation économique des femmes en Méditerranée occidentale ».
[2] Les indicateurs ont été présentés lors de la Réunion de dialogue régional de l’UpM pour l’autonomisation des femmes, ténue en novembre, en ligne avec l’initiative de l’UpM d’établir un mécanisme régional intergouvernemental de suivi sur l’égalité entre les sexes.
[4] Profil de Jossour sur la plateforme en ligne de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée.
[5] ONU Femmes. « ONU Femmes: l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. » https://www.un.org/youthenvoy/fr/2013/07/onu-femmes-lentite-nations-unies-legalite-sexes-lautonomisation-femmes/
OCDE. “Le portail de données OCDE sur l’égalité femmes-hommes » https://www.oecd.org/fr/parite/donnees/
[6] Profil de Jusoor sur la Plateforme en ligne de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée. En 2019, Jusoor a fait parti du projet « Capacity building in Southern Mediterranean to open policy dialogue and monitoring for women in society », finance par l’Union Européene et dirigé par l’IEMed. Foundation
[7] Profil de WIBA sur la Plateforme en ligne de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée.