Discrimination au sein de la famille – Wikigender https://www.wikigender.org/fr/ L'égalité des sexes Wed, 07 Dec 2022 14:51:46 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 L’impact de la Covid-19 sur l’égalité hommes-femmes et les Objectifs de Développement Durable (ODD) https://www.wikigender.org/fr/wiki/limpact-de-la-covid-19-sur-legalite-hommes-femmes-et-les-objectifs-de-developpement-durable-odd/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/limpact-de-la-covid-19-sur-legalite-hommes-femmes-et-les-objectifs-de-developpement-durable-odd/#respond Fri, 17 Jul 2020 11:20:43 +0000 https://www.wikigender.org/?post_type=userpress_wiki&p=25357

Introduction

La pandémie liée à la Covid-19 constitue une menace sérieuse pour la réalisation des ODD liés au genre. Ses conséquences socio-économiques mettent en péril certaines des améliorations observées depuis 2015 en matière d’égalité hommes-femmes et d’autonomisation des femmes. Compte tenu de l’état d’avancement des ODD avant le déclenchement de la crise et de leurs liens les uns avec les autres, il est évident que les conséquences économiques et sociales de la pandémie vont exacerber les inégalités et les discriminations existantes à l’égard des femmes et des filles, en particulier des plus marginalisées. La crise d’Ébola (2014-2015) en Afrique de l’Ouest et l’épidémie de Zika (2015-2016) en Amérique latine ont révélé que les crises de santé publique peuvent mettre un frein aux politiques et aux réformes visant à transformer les relations entre les hommes et femmes. En effet, les crises privent les femmes de ressources nécessaires à leurs besoins tandis que ces mêmes crises accroissent les besoins auxquels font face femmes. Il est donc essentiel de prendre conscience de l’impact actuel du Covid-19 ainsi que de ses implications pour la réalisation des ODD si des mesures préventives ne sont pas prises.

Conséquences de la Covid-19 pour les ODD ayant un lien avec la condition des femmes et des filles

Compte tenu des vastes et multiples implications de la crise du Covid-19, tous les ODD, et en particulier les objectifs et indicateurs liés au genre, sont susceptibles d’être touchés. Reconnaître cet impact est une première étape essentielle pour concevoir des politiques de relance socio-économiques qui aideront à atteindre les ODD et l’égalité des sexes. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une liste exhaustive, si l’on considère le problème sous l’angle du genre, il est évident qu’au moins les ODD suivants souffriront de ralentissement, voire de recul :

ODD 8 – « Travail décent » : « Les femmes représentent environ deux tiers du personnel de santé dans le monde et […] environ 85 % des infirmières et des sages-femmes dans les 104 pays pour lesquels des données sont disponibles » (OCDE, 2020). Cette concentration sectorielle, ainsi que la surreprésentation des femmes dans certains secteurs tels que le commerce de détail et l’hôtellerie, signifie que les femmes sont exposées de manière disproportionnée à la Covid-19 au travail et sont plus touchées que les hommes par les mesures de confinement.

ODD 3 – « Bonne santé et bien-être » : En temps de crise sanitaire, les ressources allouées à la santé reproductive et sexuelle sont détournées et réorientées vers la réponse d’urgence. Comme constaté au cours de la crise d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014-2015, cela a contribué à une augmentation de la mortalité maternelle dans les régions ayant de faibles capacités de soins de santé (Wenham, Smith et Morgan, 2020). Par exemple, en Sierra Leone, des études d’impact menées après la crise ont révélé une baisse drastique de l’utilisation des services de santé au cours de la crise, entraînant, selon les estimations les plus prudentes, 3 600 décès maternels, néonatals et mort-nés supplémentaires sur la période 2014-2015 (Sochas, Channon et Nam, 2017).

ODD 4 – « Une éducation de qualité » : La crise Ébola a également révélé une augmentation significative des grossesses adolescentes au cours de l’épidémie suite à la fermeture des écoles, se traduisant, en retour, par une augmentation du taux d’abandon scolaire – en particulier pour les mères adolescentes —  au cours de la période post-crise (Bandiera et al., 2019). En parallèle, l’augmentation à venir de la charge de travail non rémunéré et des tâches domestiques qui pèse sur les épaules des femmes et des filles – en particulier les soins rendus aux malades – aura probablement des conséquences importantes sur les perspectives d’éducation des filles.

ODD 2 – « Faim Zéro » : Dans les pays où les normes sociales impliquent une préférence pour les garçons plutôt que pour les filles, la pandémie pourrait amplifier ces préférences de plusieurs façons. Par exemple, dans des contextes de ressources alimentaires limitées, les ménages où les normes sociales discriminatoires sont répandues pourraient être amenés à privilégier les garçons par rapport aux filles, ce qui aurait une incidence négative directe sur le deuxième objectif stratégique. De même, dans un contexte de ressources limitées, la préférence pourrait être accordée aux garçons par rapport aux filles en matière d’éducation et de santé (ODD 3 et 4).

ODD 1 – « Pas de pauvreté » et ODD 10 – « Inégalités réduites » : Étant donné que les conséquences économiques de l’épidémie – par exemple les licenciements, la perte de revenus, la précarité de l’emploi – pourraient davantage toucher les femmes, une augmentation des niveaux de pauvreté des femmes dans le monde est très probable.

Conséquences de la Covid-19 pour l’ODD 5 en particulier

Plus spécifiquement, la pandémie aura de graves conséquences pour la réalisation de l’ODD 5, « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ». Avant la crise, on estimait que 2,1 milliards de filles et de femmes vivaient dans des pays qui n’atteindraient pas les cibles liées à l’égalité entre les sexes d’ici 2030 (Equal Measures 2030, 2020). Alors que le rythme des progrès commence à ralentir, les pays développés et en développement vont avoir besoin de plus de temps ainsi que de mesures fortes afin d’atteindre les cibles liées à l’égalité entre les sexes. Les cibles suivantes de l’ODD 5 seront en particulier gravement touchées :

ODD 5.1 sur l’élimination de « toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles » : D’après le SIGI (Social Institutions and Gender Index) de l’OCDE, de nombreuses nouvelles législations visant à renforcer l’égalité des sexes et à abolir les lois discriminatoires bénéficiaient d’engagements politiques croissants avant la crise (OCDE, 2019). Toutefois, la crise a paralysé la capacité de nombreux États à adopter à et mettre en œuvre de nouvelles lois.

ODD 5.2 sur l’élimination de « toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles » : Des données récentes révèlent que 18% des femmes dans le monde ont subi des violences physiques et/sexuelles de leur conjoint au cours des 12 derniers mois. De nouvelles données ajoutent que la violence domestique a augmenté au cours des mesures de confinement. Par exemple, la ligne d’assistance téléphonique nationale contre les violences domestiques du Royaume-Uni indique une augmentation de 25 % du nombre d’appels téléphoniques au cours de la première semaine de confinement et la multiplication par 1,5 des visites sur son site web (ONU Femmes, 2020).

ODD 5.3 sur l’élimination de « toutes les pratiques préjudiciables » : Avant la crise, les données suggéraient un déclin des mariages d’enfants en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne (Centre de développement de l’OCDE, 2019). La pauvreté induite par la pandémie pourrait engendrer une augmentation des mariages précoces et forcés. Dans le même temps, dans les pays à faibles revenus, la crise sanitaire va gravement compromettre les capacités et les ressources financières des gouvernements, ce qui aura des répercussions sur les capacités législatives et d’application de la loi de ces pays. Par exemple, les poursuites engagées contre les auteurs de mutilations génitales féminines risquent de s’atténuer, alors même que cette pratique semble s’être accrue depuis le début de la pandémie.

ODD 5.4 sur la reconnaissance et le partage des travaux domestiques non rémunérés : Avant l’épidémie de Covid-19, les femmes effectuaient déjà 75 % du travail domestiques non rémunéré dans le monde (Centre de développement de l’OCDE, 2019). La crise actuelle a souligné l’importance du rôle des individus qui s’occupent des personnes âgées ainsi que des personnes de santé fragile. En outre, dans de nombreux endroits, les écoles ont fermé, ce qui signifie que les enfants restent à la maison. Ces dynamiques contribuent à augmenter la charge de travail non rémunéré. Il sera probablement très difficile de revenir à la répartition d’avant la crise et presque impossible de parvenir à une répartition équitable du travail domestique non rémunéré entre les hommes et les femmes d’ici 2030.

ODD 5.6 sur la garantie de l’accès aux soins de santé sexuelle et aux droits en matière de procréation: La fourniture de produits de santé sexuelle et reproductive, y compris les protections hygiéniques, pourrait être affectée par la pression exercée sur les chaînes d’approvisionnement (UNFPA, 2020). La crise du Zika en Amérique latine mis en exergue le lien entre les gangs et l’accès des femmes aux soins gynécologiques, les réseaux informels prenant le contrôle de l’accès aux approvisionnements.

Conclusions

Alors que la crise de la Covid-19 se poursuit, la prise de conscience de son impact sur l’accomplissement des objectifs fixés dans l’Agenda 2030. Si les mois passés ont montré qu’il est toujours possible de s’adapter, il est maintenant essentiel de se pencher sur l’impact que les réponses apportées à la crise de la Covid-19 auront sur le développement humain à travers le monde. En tournant notre regard vers l’avenir, il est possible de comprendre que les mesures prises aujourd’hui seront fondamentales pour le futur. Cette prise de conscience s’accompagne de la possibilité d’élaborer des politiques publiques qui tiennent compte des inégalités entre les sexes et qui favorisent des redressements socio-économiques équitables.

Ressources supplémentaires de l’OCDE sur la Covid-19

Références

Bandiera, O. et al. (2019). “The Economic Lives of Young Women in the Time of Ebola: Lessons from an Empowerment Program”. Impact Evaluation series, No. WPS 8760. World Bank Group, Washington D.C. http://documents.worldbank.org/curated/en/452451551361923106/The-Economic-Lives-of-Young-Women-in-the-Time-of-Ebola-Lessons-from-an-Empowerment-Program.

Equal Measures 2030 (2020). Bending the Curve Towards Gender Equality by 2030. https://www.equalmeasures2030.org/wp-content/uploads/2020/03/EM2030BendingTheCurveReportMarch2020.pdf.

OECD (2020). Women at the Core of the Fight Against COVID-19 Crisis. OECD Publishing, Paris. https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=127_127000-awfnqj80me&title=Women-at-the-core-of-the-fight-against-COVID-19-crisis.

OECD (2019). SIGI 2019 Global Report: Transforming Challenges into Opportunities, Social Institutions and Gender Index. OECD Publishing, Paris. https://dx.doi.org/10.1787/bc56d212-en.

OECD Development Centre (2019). Gender, Institutions and Development Database (GID-DB) 2019. https://oe.cd/ds/GIDDB2019.

Sochas, L., A. Channon and S. Nam (2017). “Counting indirect crisis-related deaths in the context of a low-resilience health system: the case of maternal and neonatal health during the Ebola epidemic in Sierra Leone”. Vol. 32, pp. 32-39. http://dx.doi.org/10.1093/heapol/czx108.

UNFPA (2020). COVID-19: A Gender Lens – Protecting sexual and reproductive health and rights, and promoting gender equality. UNFPA. https://www.unfpa.org/sites/default/files/resource-pdf/COVID-19_A_Gender_Lens_Guidance_Note.pdf.

Wenham, C., J. Smith and R. Morgan (2020). COVID-19: the gendered impacts of the outbreak, Lancet Publishing Group. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30526-2.

United Nations (n.d.). Sustainable Development Goal 5. Retrieved from https://sustainabledevelopment.un.org/sdg5.

United Nations (n.d.). Transforming our world: the 2030 Agenda for Sustainable Development. Retrieved from https://sdgs.un.org/2030agenda.

UN Women (2020). COVID-19 and Violence Against Women and Girls: Addressing the Shadow Pandemichttps://www.unwomen.org/-/media/headquarters/attachments/sections/library/publications/2020/policy-brief-covid-19-and-violence-against-women-and-girls-en.pdf?la=en&vs=5842.

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Défis et progrès de la lutte contre la violence à l’égard des femmes en Algérie https://www.wikigender.org/fr/wiki/defis-et-progres-de-la-lutte-contre-la-violence-a-legard-des-femmes-en-algerie/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/defis-et-progres-de-la-lutte-contre-la-violence-a-legard-des-femmes-en-algerie/#respond Thu, 28 Nov 2019 11:08:41 +0000 https://www.wikigender.org/?post_type=userpress_wiki&p=24071

Article proposé et préparé par le Secrétariat de la Fondation des Femmes de l’Euro – Méditerranée

Date de publication: 28 novembre 2019

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Introduction

La violence contre les femmes (VCF) existe partout dans le monde. Elle affecte la santé physique et mentale des femmes, limite leur contrôle et leur jouissance de leur propre corps, leur capacité à participer à la société et leur présence dans les espaces publics [1]. Selon la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la VCF comprend « tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée[2]. »

Ce type de violence est non seulement perpétué par des personnes physiques, mais aussi par l’État. Bien que la Déclaration demande aux États de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et punir les actes de VCF, ceux-ci constituent souvent une source d’insécurité pour les femmes: discrimination au travail, inégalité devant la loi, absence ou laxisme des lois qui punissent la violence de genre, etc. Ainsi, outre la violence directe, les femmes souffrent de violence structurelle qui, comme son nom l’indique, émane de structures qui nient la satisfaction des besoins. La violence directe et la violence structurelle sont soutenues et légitimés par la violence culturelle, qui se manifeste dans les attitudes de la société [3].

« Outre la violence directe, les femmes souffrent de violence structurelle qui, comme son nom l’indique, émane de structures qui nient la satisfaction des besoins ».

En Algérie, comme dans le monde entier, ce grave problème conditionne l’existence et le quotidien de nombreuses femmes. Une étude de diagnostic coordonné par l’association Femmes en Communication (FEC) d’Alger examine la VCF en Algérie et les défis auxquels le pays doit encore faire face pour mettre fin à ce type de violence. L’étude, qui a pris comme exemple le cas de la wilaya d’Oran, indique aussi les progrès menés en vue d’une société plus égalitaire. Ce diagnostic a été élaborée dans le cadre du projet Pôles Locaux d’acteurs de l’égalité femmes-hommes. Ce projet, lancé par l’IEMed en synergie avec la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée et financé par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (France), vise à autonomiser les acteurs et actrices locaux/les et diffuser leurs actions et conclusions au niveau international.

Cet article se basera principalement mais pas uniquement sur le diagnostic du FEC pour, d’une part, exposer et commenter les obstacles et défis de la lutte contre la violence à l’égard des femmes en Algérie et, d’autre part, mettre en relief l’impact de la mobilisation sociale dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes, spécialement au niveau local.

VCF en Algérie : état de la question et défis

Malgré la ratification —avec des réserves— de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) [4] par l’Etat algérien et la récente création de mécanismes institutionnels favorables à l’égalité femmes-hommes, comme le Ministère de la Solidarité Nationale, de la Famille et de la Femme (MSNFCF) et le Conseil National de la Famille et de la Femme (CNFF) [5], la situation des femmes reste précaire. Elles sont toujours dans une position encline à la pauvreté et à la dépendance économique, limitant leurs libertés et leurs chances de réalisation personnelle et augmentant leur risque de souffrir de violence directe.

D’un côté, l’analphabétisme touche les femmes principalement. En 2008, dans les zones rurales, le taux de femmes analphabètes était deux fois plus élevé que celui des hommes (41% contre 21,8%). D’un autre côté, les conditions d’accès au travail sont également alarmantes: seulement 16,09% de la population salariée active sont des femmes. Même lorsqu’ils ont accès à un emploi, leur salaire ne représente en moyenne qu’un tiers de celui de leurs homologues masculins. En plus, les conditions de certains groupes de femmes est encore plus préoccupante : les mères célibataires sont victimes de stigmatisation et les femmes handicapées et les femmes migrantes subissent une double discrimination [6].

Ce retard en matière d’égalité femmes-hommes au niveau social, politique et juridique est dû, d’une part, aux réserves que l’Algérie maintient sur le CEDEF (articles 2, 9, 15, 16 et 18 qui concernent principalement le Code de la famille et qui sont contraires à la Constitution algérienne) [7] et, d’autre part, à la non-ratification de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples [8]. Les deux faits constituent un obstacle à la transformation de certaines lois et politiques nationales.

Au niveau social, le rôle des médias est décisif. Le diagnostic de FEC montre que les médias constituent un obstacle majeur à l’égalité des sexes. Peu de femmes journalistes occupent des postes élevés dans le secteur de l’information. En plus, les contenus transmis sont encore pleins de messages misogynes qui demeurent ancrés dans l’imaginaire collectif de la société et qui nourrissent la violence structurelle et culturelle.

En outre, selon le même diagnostic, le Gouvernement compte principalement sur les ONG indépendantes pour répondre aux besoins sociaux, juridiques et financiers des femmes victimes de la violence. Cependant, les ONG devraient être une source complémentaire de soutien à la société civil —aux femmes dans ce cas particulier— et non pas la source principale de bien-être et de garanties humaines. Cette responsabilité incombe en premier lieu aux États, qui ont le devoir de satisfaire ces besoins et d’autres qui pourraient compromettre la sécurité de leur population [9], non seulement du point de vue militaire traditionnel, mais surtout en termes de sécurité humaine.

Néanmoins, ce n’est pas un hasard si l’État algérien s’appuie sur certains secteurs de la société civile pour combler les failles du tissu institutionnel en termes de droits et de prestations sociaux. Des auteurs et auteures tels que Louisa Dris-Ait Hamadouche parlent de cela en tant que stratégie de résilience du gouvernement pour préserver la stabilité du pays [10]. Pourtant, comme on expliquera plus tard, plusieurs associations qui oeuvrent pour la protection des groupes vulnérables et pour la défense de leurs droits, comme celles qui luttent contre la VCF, ont pu utiliser cette situation en leur faveur.

La société civile comme moteur de changement

Les révoltes populaires de 1988 ont accéléré les réformes politiques. Dans ce contexte et avec l’approbation de la Constitution de 1989, la loi 90-31 a été adoptée en 1990. Elle permettait la liberté d’association et facilitait les procédures administratives pour la création et les activités des associations. Cette ouverture a toutefois été de courte durée : la nouvelle loi a été abolie avec l’arrivée des incidents du début des années 90 qui ont marqué le commencement de la décennie noire [11].

La fin de ce conflit n’a pas diminué les restrictions imposées aux associations. Cependant, des milliers d’associations avaient déjà été créées et ont continué de l’être jusqu’à ce jour (91 102 associations enregistrées selon des données du ministère de l’Intérieur de 2018) [12]. Nonobstant, le type de relation que ces associations entretiennent avec le gouvernement conditionne leur travail [13].

Ainsi, on peut classifier les organisations de la société civile en trois courants: celles qui s’opposent ouvertement au régime (dont la marge de manoeuvre est très limitée et qui sont hors le cadre légal); celles de la périphérie qui indirectement remettent en cause la légitimité et la gestion des autorités; et, enfin, celles qui ont occupé le vide institutionnel en ce qui concerne les sphères sociale, culturelle et environnementale [14]. Celles-ci, auxquelles appartiennent les associations luttant contre le VCF, sont perçues par le gouvernement comme un outil de maintenance du système et non pas comme une menace.

Mais le fait que les associations luttant contre le VCF aient adopté une attitude collaborative envers le gouvernement ne signifie pas qu’elles soient des marionnettes. En fait, elles utilisent cette stratégie pour exercer de la pression et promouvoir des changements dans les politiques publiques [15]. L’influence des associations sur les politiques publiques se produit principalement au niveau local et dans le secteur social, environnemental et éducatif [16].

Les progrès de la lutte contre la VCF : des actions au niveau local

D’une part, on peut parler de l’action de Femmes en Communication, l’association directrice du pôle local d’Oran responsable du diagnostic sur la VCF, comme on a déjà expliqué. Depuis 1995, son objectif est de promouvoir toute forme d’expression féminine à travers les nouvelles technologies afin de lutter contre la faible représentation féminine dans les institutions, de promouvoir la participation des femmes à la citoyenneté et de dénoncer le VCF. FEC réalise cette tâche via la radio en ligne «Voix des Femmes».

Après le diagnostic, le pôle local d’Oran a conçu un projet de sensibilisation qui a engagé des journalistes, les administrations publiques et les acteurs locaux à placer à Oran un centre d’accueil et d’hébergement pour les femmes victimes de violences [17].

Par ailleurs, le travail du collectif Stop à la violence ! Les droits aux femmes maintenant est également remarquable. Il a été le promoteur des amendements du Code Pénal adoptés en 2015 criminalisant la violence verbale et le harcèlement sexuel dans les lieux publics. Après cela, d’autres associations ont lancé des campagnes de diffusion des modifications de la loi

Ce le cas de l’Association de l’Information et de la Communication en milieu de jeunes de Guelma (INFO-COM Jeunes de Guelma), dont la campagne de plaidoyer (qui s’inscrit au cadre du projet CSO WINS de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée visant à renforcer les capacités des organisations de la société civile à effectuer une défense en faveur des droits des femmes) a atteint plus de 850 jeunes, ainsi que des médias locaux et nationaux comme El Watan, Annasr, Vitaminedz, etc. Elle a également encouragé les victimes à dénoncer cette forme de violence dans la province de Guelma, en Algérie [18].

Ensuite, INFO-COM Jeunes de Guelma a organisé trois rencontres de dialogue politique en avril 2019 dans trois villes algériennes différentes. Ces rencontres portaient sur les obstacles qui empêchent l’application réelle de la réforme du Code Pénal. Grâce à la mobilisation sociale, les pouvoirs locaux et les médias se sont engagés à promouvoir la sensibilisation et le dialogue autour de ce sujet [19].

Conclusion

Une fois exposés et analysés les défis et les progrès de la lutte contre la violence à l’égard des femmes en Algérie, ainsi que le rôle et l’impact de la société civile au niveau local, on conclut que, même s’il reste un long chemin à parcourir, ils existent des mécanismes pour combattre les VCF et atteindre l’égalité femmes-hommes. D’une part, à l’exception du Code de la famille, les lois civiles établissent l’égalité entre femmes et hommes. Des conventions internationales favorables à cet objectif ont également été ratifiées.

D’autre part, les associations de la société civile œuvrant pour les droits des femmes ont réussi, par le biais de stratégies de collaboration avec le gouvernement, à influencer les politiques publiques, en particulier au niveau local. Grâce à la pression exercée par la mobilisation sociale, les administrations publiques et les médias ont adopté des stratégies de lutte contre le VCF.

Malgré cela, il est urgent de modifier le Code de la famille afin que les lois internationales puissent être appliquées efficacement. Il serait également utile de ratifier la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. En outre, la loi doit obliger les médias à respecter la législation nationale et internationale relative à l’égalité des sexes. Enfin, si l’État ne compte pas répondre en première personne aux besoins des femmes victimes de violence, il devrait réduire les obstacles bureaucratiques imposés aux associations qui le font et leur offrir le soutien financier nécessaire pour accroître leur impact.

Références

[1] HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES DROITS DE L’HOMME (OHCHR), Violence contre les femmes : série d’informations sur la santé sexuelle et reproductive et les droits associés.
[2] HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES DROITS DE L’HOMME (OHCHR), Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, 1993 https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/ViolenceAgainstWomen.aspx
[3] GALTUNG, J. La violencia: cultural, estructural y directa. Cuadernos de estrategia, (183), 147-168, 2016
[4] HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES DROITS DE L’HOMME (OHCHR), Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 1979 https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CEDAW.aspx
[5] FEMMES EN COMMUNICATION, Diagnostic de terrain : La violence contre les femmes en Algérie : focus sur Oran https://docs.euromedwomen.foundation/files/ermwf-documents/7064_diagnosticalgeriecombattrelaviolencefr.pdf
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Ibid
[8] ORGANISATION DE L’UNITÉ AFRICAINE (OUA), Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, 1981 https://www.un.org/fr/africa/osaa/pdf/au/afr_charter_human_people_rights_1981f.pdf
[9] UNITED NATIONS, Responsibility to protect, 2005 https://www.un.org/en/genocideprevention/about-responsibility-to-protect.shtml
[10] DRIS-AÏT HAMADOUCHE, LOUISA, Au coeur de la résilience algérienne: un jeu calculé d’alliances. Confluences Méditerranée, nº 3, pp. 195-210, 2018 https://doi.org/10.3917/come.106.0195
[11] THIEUX, L. Sociedad civil y cambio político y social en Argelia: evolución de discursos y estrategias. Revista de Estudios Internacionales Mediterráneos, 2018: https://repositorio.uam.es/bitstream/handle/10486/686485/REIM_25_5.pdf?sequence=1&isAllowed=y
[12] MINISTÈRE DE L’INTERIEUR, DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE http://www.interieur.gov.dz/index.php/fr/
[13] THIEUX, L. Sociedad civil y cambio político y social en Argelia: evolución de discursos y estrategias. Revista de Estudios Internacionales Mediterráneos, 2018: https://repositorio.uam.es/bitstream/handle/10486/686485/REIM_25_5.pdf?sequence=1&isAllowed=y
[14] Ibid
[15] Ibid
[16] BENRAMDANE, Djamel, Les associations algériennes, des acteurs émergents en quête de reconnaissance. Informe del Comitato Internazionale per lo Sviluppo dei Popoli (CISP), 2015
[17] FONDATION DES FEMMES DE L’EURO – MEDITERRANEE, Créer les conditions favorables à la mise en place d’un centre d’accueil et d’hébergement des femmes victimes de violence à Oran, 2016 https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/news/view/6226/creer-conditions-favorables-a-mise-en-place-un-centre-accueil-hebergement-femmes-victimes-violence-a-oran
[18] FONDATION DES FEMMES DE L’EURO – MEDITERRANEE, Fin de la campagne d’INFO-COM Jeunes contre le harcèlement sexuel à Guelma, 2017 https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/news/view/7276/fin-campagne-infocom-jeunes-contre-harcelement-sexuel-a-guelma
[19] FONDATION DES FEMMES DE L’EURO – MEDITERRANEE, Dialogues politiques sur les violences contre les filles dans la wilaya de Guelma, 2019 https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/news/view/8737/dialogues-politiques-sur-violences-contre-filles-dans-wilaya-guelma

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La participation des femmes à la vie publique et politique en Tunisie au niveau local https://www.wikigender.org/fr/wiki/la-participation-des-femmes-a-la-vie-publique-et-politique-en-tunisie-au-niveau-local/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/la-participation-des-femmes-a-la-vie-publique-et-politique-en-tunisie-au-niveau-local/#respond Fri, 21 Dec 2018 09:53:00 +0000 https://www.wikigender.org/?post_type=userpress_wiki&p=12940

Article proposé et préparé par le Secrétariat de la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée (FFEM)

Date de publication: 21 décembre 2018

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Introduction

Il existe encore à l’échelle mondiale une sous-représentation structurelle des femmes dans le champ politique traditionnel, y compris dans les postes à responsabilité. En Tunisie, malgré un engagement de longue date des femmes au sein de mouvements féministes et dans la société civile, celles-ci restent sous-représentées dans de nombreux secteurs de la vie sociale et politique et particulièrement dans les partis politiques et les syndicats. À cet égard, il convient de se pencher sur les raisons de cette discrimination à l’envers des femmes.

Cet article s’intéresse à la participation politique des femmes en Tunisie en s’appuyant principalement sur deux diagnostics de terrain, l’un à Douar Hicher (banlieue de Tunis) [1], et l’autre dans les villes de Monastir et de Sousse [2]. Ces études ont été produites par les associations Chemin de la Dignité – Tarik Al Karama (ACD) et Voix de la femme à Jemmel (VFJ) en collaboration avec la Fondation des Femmes de l’Euro-Méditerranée (FFEM) et l’Institut européen de la Méditerranée (IEMed).

Les acteurs locaux débattent sur la participation des femmes à la vie publique et politique à Douar Hicher. © Association Chemin de la dignité

En effet, la FFEM a pour vocation d’analyser au niveau local les réalités des femmes et les politiques publiques qui les concernent à l’aide de consultations et de dialogues de proximité. Pour ce faire, la FFEM met en place annuellement des pôles locaux d’acteurs de l’égalité femmes-hommes en Algérie, Égypte, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine et Tunisie (1 par pays). Leur mission est de mobiliser les acteurs de l’égalité au moyen d’activités de collectes de données, de consultations et d’échanges d’expériences dans le but d’analyser un thème prioritaire pour la réalisation des droits des femmes et de faire un suivi de l’effectivité des politiques publiques dans ce domaine avec une approche participative.

Toutes les informations liées aux résultats des pôles locaux sont disponibles sur www.euromedwomen.foundation, et font l’objet d’une vaste diffusion dans la région euro-méditerranéenne. En 2017 et 2018, l’ACD et VFJ ont été chacune chef de file d’un pôle local d’acteurs de l’égalité femmes-hommes à Douar Hicher, et à Monastir respectivement.

Les droits des femmes en Tunisie

La Tunisie est souvent considérée comme le pays le plus avancé en termes de droits des femmes dans le monde arabe. Pour cause, quelques mois seulement après l’indépendance du pays [3], le 13 août 1956 le code du statut personnel (CSP) a été promulgué [4], une réforme profonde du code de la famille portée par le président Habib Bourguiba. Entré en vigueur en janvier 1957, le CSP est un élément dans un vaste programme de modernisation de la société. Entre autres mesures, l’âge minimum du mariage [5] et le consentement de la femme [6] y figurent comme un prérequis à toute union, et la polygamie est interdite.

La fin des années 1970 voit l’émergence d’un féminisme autonome issu de la société civile qui se différencie des réformes en faveur des femmes promues jusqu’alors par l’État. Ce féminisme qui a pour slogan « Le nous par nous-même » devient un puissant réseau associatif qui dénonce avec force les discriminations basées sur le sexe persistantes, malgré tout, au niveau de la législation (inégalité d’accès à l’héritage, autorité maritale, etc.) et des représentations et pratiques sociales patriarcales. Il s’agit d’un mouvement de femmes actrices du devenir de leurs sociétés respectives, qui déconstruisent à l’époque, et encore aujourd’hui, le stéréotype de la « femme arabe soumise » [7].

Au cours de la révolution de 2010-2011 les femmes ont, là aussi, joué un rôle prédominant sur le terrain pour réclamer la préservation des acquis sociaux et de leur statut. Ainsi, lors des élections de l’Assemblée constituante de 2011, le principe de la parité et l’alternance femmes/hommes sur les listes électorales des partis sont instaurés, ce qui a fait de la Tunisie l’un des pays où le taux de femmes parlementaires est parmi le plus élevé dans le monde (24%) [8].

Pourtant, l’absence significative des femmes aux postes décisionnels reste un constat jusqu’à présent, malgré leur présence sur le terrain et leur contribution à la lutte pour les droits civils. Les femmes sont encore confrontées à des obstacles qui les empêchent d’atteindre les postes à responsabilité dans de nombreuses instances.

Obstacles et défis à la participation des femmes

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a été ratifiée par la Tunisie en 1985. En vertu de l’article 32 de la Constitution actuelle, les mécanismes internationaux, une fois ratifiés, priment sur les lois domestiques [9]. Les lois relatives au divorce ou au mariage sont, par exemple, très avancées, mais les femmes tunisiennes sont confrontées à d’autres obstacles.

Le chômage en Tunisie touche plus les femmes que les hommes. Ainsi, en 2018, le taux de chômage chez les femmes est de 22,7% contre 12,5% chez les hommes [10]. Les femmes représentent un faible pourcentage de la population active et elles sont plus affectées par l’analphabétisme. Chez les femmes en zone rurale, le taux d’analphabétisme s’élève à 41%, en particulier dans le nord-ouest, soit 30% de la population totale [11]. En effet, les écarts déjà profonds, se creusent encore davantage d’une région à l’autre ou entre ville et campagne comme le reflètent les taux de 2008 (20,1% dans les zones urbaines contre 42,8% dans les zones rurales) [12]. En ce qui concerne les écarts de salaire en 2016, les femmes sont toujours payées 14,6% de moins que les hommes [13]. En outre, la précarité et l’appauvrissement contraint les femmes à se préoccuper davantage de leurs revenus ou leur logement que de la vie politique ou militante.

Ces données ne sont pas anodines. L’une des conclusions du diagnostic de terrain réalisé par l’association VFJ est que le statut des femmes en politique est étroitement lié à leur statut économique et social. En général, l’image traditionnelle des femmes et la répartition non équitable des rôles de genre est l’un des obstacles majeurs qui bloque la participation et la mobilisation féminine [14]. Ainsi, dans le quartier de Douar Hicher dans la banlieue de Tunis, bien que certaines femmes soient motivées à l’idée de se lancer dans des activités communautaires ou dans la politique et qu’elles soient conscientes des besoins de leur communauté, leur environnement ne tolère pas qu’elles aient des responsabilités au-delà des tâches domestiques et de leurs obligations professionnelles [15]. Les femmes sont ainsi associées à l’espace privé de dépendance et les hommes à l’espace public du pouvoir. Des facteurs tels que le faible niveau d’instruction des femmes, les responsabilités familiales, la résistance souvent manifestée du mari, et les pressions de la famille et du voisinage entravent notablement l’autonomisation des femmes.

Sur le plan politique, les femmes sont souvent exclues des postes de prise de décision. Les hommes étant considérés comme des « leaders naturels », la participation des femmes dans la vie publique et politique est vue comme un « phénomène contre nature ». En outre, les partis politiques et les syndicats ne soutiennent pas assez activement la présence des femmes dans leurs rangs en dehors des périodes d’élections dans une logique souvent « intéressée » pour faire bonne figure.

Certaines pratiques et comportements ne tiennent pas compte du facteur genre et ne s’adaptent pas à la réalité des militantes. Les activités et réunions programmées ont, par exemple, souvent lieu hors des locaux et à des heures tardives. Le fait que les femmes n’aient pas la même liberté de mouvement que les hommes (en raison des contraintes familiales et pour des questions de sécurité) est parfois utilisé à leur encontre pour les écarter des décisions.

En outre, lorsque les femmes arrivent à occuper des postes à responsabilité dans des partis ou des syndicats, les attentes envers elles sont plus fortes, elles doivent faire leurs preuves et n’ont pas droit à l’erreur (ce phénomène entre dans la catégorie des violences symboliques). L’absence des partis politiques dans les quartiers populaires où se trouvent des femmes compétentes et parfois très actives dans des associations, et l’insuffisante formation et sensibilisation politique des femmes sont d’autres facteurs qui entrent en jeu.

La violence basée sur le genre (VBG) contribue aussi à écarter les femmes de la vie publique, civile et politique. En 2010, l’Office national de la famille et de la population (ONFP) a montré que 47,6% d’un échantillon de 5,600 femmes ont déclaré avoir subi des violences, dont 21,2% dans l’espace public et sur leur lieu de travail [16]. Les femmes sont les plus ciblées par les violences verbales, physiques et morales, sous prétexte que « l’honneur de la famille repose sur elles ».

Un dernier obstacle qui est ressorti des enquêtes et débats menés lors des deux diagnostics concerne l’insuffisante connaissance qu’ont les femmes de leurs droits en tant que citoyennes et le manque de confiance en leurs capacités. Comme dans les autres sociétés patriarcales, les femmes tunisiennes sont élevées de telle sorte qu’elles se sentent moins appréciées que les hommes, et dès leur plus jeune âge on cultive leur rôle maternel et reproductif en les encourageant à prendre soin des autres et à sacrifier leurs ambitions, contrairement à ce qui est enseigné aux hommes. Cela conduit les femmes à avoir une faible estime d’elles-mêmes, un défi considérable qu’il faut surmonter pour se lancer dans une carrière en politique.

Conclusion

Sans donner une représentation exhaustive de la réalité de la participation des femmes dans la vie publique et politique en Tunisie, cet article montre que malgré quelques expériences positives d’accès à la prise de décision par de nombreuses femmes provenant de quartiers populaires ou de zones rurales, la sphère politique reste un territoire à conquérir.

Les facteurs économiques, sociaux et politiques excluent les femmes de la gestion des affaires publiques et de la prise de décision. Malgré les acquis en termes de droits et les mesures adoptées pour favoriser l’accès des femmes aux élections et dans l’exercice du pouvoir local, les mentalités conservatrices et les stéréotypes sexués qui prônent que la politique est l’apanage des hommes demeurent largement. Ces croyances sont souvent relayées par les médias, où les femmes sont rarement interviewées pour intervenir sur des questions importantes pour le pays. Cela dénote encore davantage l’utilité du travail mené par les associations en termes de plaidoyer, de sensibilisation, de formation et d’accompagnement des femmes leaders pour atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la vie publique locale.

Références

[1] ASSOCIATION CHEMIN DE LA DIGNITÉ – TARIK AL KARAMA (ACD), Diagnostic de terrain : La participation des femmes à la vie publique et politique à Douar Hicher, FFEM et IEMed, 2018, https://docs.euromedwomen.foundation/files/ermwf-documents/7722_participation-des-femmes-a-la-vie-publique-douar’hicher.pdf

[2] ASSOCIATION VOIX DE LA FEMME À JEMMEL (VFJ), Diagnostic de terrain : La participation politique des femmes à Monastir et Sousse, FFEM et IEMed, 2017, https://docs.euromedwomen.foundation/files/ermwf-documents/7094_diagnosticparticipationpolitiquetunisiefr.pdf

[3] 20 mars 1956.

[4] Code du statut personnel : http://www.e-justice.tn/fileadmin/fichiers_site_francais/codes_juridiques/Statut_personel_Fr.pdf

[5] 20 ans pour les hommes, 17 ans pour les femmes, puis modifié en 1964 en instaurant 18 ans pour les deux sexes.

[6] Avant le CSP, le consentement de la mariée n’était pas considéré comme nécessaire. Seul celui de son père suffisait.

[7] ELBOUTI Mounira, « Leila Tauil revient sur le « siècle de combat » des féminismes arabes », Le Monde arabe, 15/10/2018, https://lemonde-arabe.fr/15/10/2018/leila-tauil-feminisme-arabe-maroc-tunisie/

[8]  VFJ. Op. cit., p. 13.

[9] VFJ. Op. cit., p. 7 & DÉPARTEMENT d’ÉTAT des ÉTATS UNIS d’AMÉRIQUE. « Rapport 2010 sur les droits humains : la Tunisie ». Disponible sur : www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/2010/nea/154474.htm

[10] Taux de chômage général : 15,4% ; masculin : 12,5% ; féminin : 22,7%. Source : Institut national de la statistique (INS) http://www.ins.tn/fr/themes/emploi

[11] DEJOUI Nadia, « Tunisie : le taux d’analphabétisme est en hausse et atteint 19.1% », L’économiste maghrébin, 13/09/2018, https://www.leconomistemaghrebin.com/2018/09/13/analphabetisme-tunisie/

[12] VFJ. Op. cit., p. 7.

[13] HuffPost Tunisie avec TAP « Tunisie : Une femme doit travailler deux mois de plus pour gagner le salaire d’un homme sur une année selon une étude », HuffPost Tunisie, 22/12/2016,   https://www.huffpostmaghreb.com/2016/12/22/egalite-salariale-hommes-_n_13792202.html

[14] VFJ. Op. cit., p. 8.

[15] ACD. Op. cit., p. 15.

[16] ONU FEMMES, Rapport National Genre Tunisie, 2015, https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/rapport_national_genre_tunisie_2015_fr.pdf

 

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Lancement de l’édition 2019 de l’Indicateur « Social Institutions and Gender Index (SIGI) » https://www.wikigender.org/fr/wiki/lancement2019sigi/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/lancement2019sigi/#respond Thu, 15 Nov 2018 17:12:20 +0000 https://www.wikigender.org/?post_type=userpress_wiki&p=12103

Lancement de l’édition 2019 du SIGI

Bruxelles le 7 décembre 2018

12:30-15:30

Quoi de neuf ? Le Ministère fédéral de l’Europe, de l‘Intégration et des Affaires étrangères de l’Autriche en sa capacité actuelle de Président du Conseil de l’Union européenne, la Coopération autrichienne pour le développement et le Centre de développement de l’OCDE ont l’honneur de vous inviter au lancement de l’édition 2019 du SIGI.

 Qu’est-ce que le SIGI ? L’indicateur Social Institutions and Gender Index (SIGI) du Centre de développement de l’OCDE mesure les écarts créés par les lois, les normes et les pratiques sociales entre les femmes et les hommes en termes de droits et d’opportunités. L’évènement sera l’occasion de discuter des messages clés du SIGI 2019 et alimentera le dialogue politique sur les normes sociales et les discriminations à l’encontre des femmes et des filles à l’échelle mondiale. Les intervenants partageront leurs expériences sur comment les politiques et les programmes sensibles à la question du genre peuvent permettre la remise en question des normes liées au genre et promouvoir les droits des femmes, l’égalité entre les sexes et le développement durable.

 Pourquoi maintenant? Des progrès remarquables ont été réalisés concernant les engagements politiques visant à éliminer la disparité femmes-hommes. Certaines normes sociales préjudiciables à l’égalité ont perdu de leur importance. Néanmoins, les engagements politiques, les réformes et les programmes n’ont pas encore été traduits en changement réels. Les femmes et les filles sont toujours victimes de discriminations liées à leur genre tout au long de leur vie qui affectent différemment certains groupes de femmes.

 Veuillez confirmer votre participation avant le 27 novembre en suivant ce lien.

Pour plus d’informations, veuillez contacter dev.gender@oecd.org.

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Le mariage précoce https://www.wikigender.org/fr/wiki/le-mariage-precoce/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/le-mariage-precoce/#respond Sun, 20 Mar 2016 20:10:45 +0000 http://www.wikigender.org/fr/?post_type=userpress_wiki&p=6747

Définition et conséquences

Le « mariage précoce » ou « mariage d’enfant » est selon l’UNICEF un mariage incluant un enfant ou un adolescent fille ou garçon âgés de moins de 18 ans. [1] Ce phénomène est particulièrement courant en Asie du Sud, en Afrique de l’Ouest, et, dans une moindre mesure, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient. Il concerne principalement les filles dans les pays en développement. Selon les Nations Unies, le mariage précoce constitue une violation des droits de la personne. [1, 2]

Le mariage précoce a un impact négatif direct sur la santé et le développement humain des enfants marié-e-s précocement, notamment des filles. Celles-ci sont plus affectées par les grossesses à risque et précoces, les viols, les violences physiques et le non-accès à l’éducation. [3, 4]

Cadre législatif et international

Le mariage précoce est visé par la cible 5.3 des Objectifs de développement durable (ODD) : « Éliminer toutes les pratiques préjudiciables, telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et la mutilation génitale féminine ». [13]

De nombreux textes de loi internationaux mentionnent et interdisent également le mariage précoce:

  • Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) de 1990, article 2 et 3: le mariage précoce n’est pas directement mentionné mais la Convention exhorte les Etats à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être ; à prendre toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination etc. [5]

_ « (1) A partir de l’âge nubile les hommes et les femmes (…) ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution» ;

_ « (2) Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux ». [6]

_ « (c) Toute institution ou pratique en vertu de laquelle : (i) Une femme est, sans qu’elle ait le droit de refuser, promise ou donnée en mariage moyennant une contrepartie en espèces ou en nature versée à ses parents, à son tuteur, à sa famille… » est analogue à l’esclavage. [7]

_  « (1) Aucun mariage ne pourra être contracté légalement sans le libre et plein consentement des deux parties, ce consentement devant être exprimé par elles en personne (…) conformément aux dispositions de la loi» ;

_ « (2) Les Etats parties à la présente Convention devront (…) spécifier un âge minimum pour le mariage (‘non inférieur à 15 ans’, en vertu de la recommandation non contraignante accompagnant cette Convention). Ne pourront contracter légalement mariage les personnes qui n’auront pas atteint cet âge, à moins d’une dispense d’âge accordée par l’autorité compétente pour des motifs graves et dans l’intérêt des futurs époux (…) » ;

_ « (3) Tous les mariages devront être enregistrés (…) par les autorités compétentes». [8]

_ sur la base de l’égalité, les hommes et les femmes ont « (a) le même droit de contracter mariage » ; « (b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement » ;

_ « Les fiançailles et les mariages d’enfants n’ont pas d’effets juridiques et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, doivent être prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage». [9]

_ « Les mariages et les fiançailles d’enfants doivent être interdits et des mesures concrètes, y compris des dispositions législatives, doivent être prises pour fixer à 18 ans l’âge minimal du mariage». [10]

Dans de nombreux pays il existe également des législations nationales qui encadrent le mariage et où l’âge légal pour se marier est de 18 ans. Cependant, malgré la présence de ces textes internationaux et nationaux, les mariages précoces ont souvent lieu en dehors de ces dispositions, par le biais du consentement des parents ou d’une autre autorité. [4]

Lutter contre le mariage précoce

La lutte contre le mariage précoce repose sur l’éradication de plusieurs causes, dont la principale est la pauvreté qui pousse les parents à mettre leur fille sous la tutelle d’un mari cherchant à sécuriser son avenir. [4] Le manque d’information sur les conséquences de ces mariages et le manque d’éducation participent également à ce phénomène. Le nombre de mariages précoces a tendance à augmenter lors des crises humanitaires, catastrophes naturelles et périodes de conflit, lorsque la famille et les structures sociales sont menacées. [4]

Des actions de lutte contre le mariage précoce sont initiées par les gouvernements des pays et des ONG comme Plan International :

  • En 2015, le Burkina Faso a lancé une campagne nationale contre le mariage précoce dans 5 régions du pays. Cette campagne vise à sensibiliser l’opinion nationale sur cette pratique et à éliminer les obstacles à l’application de la loi. Elle vise aussi à renforcer le dispositif national de lutte contre le mariage précoce ainsi que la protection et la promotion des droits des adolescent-e-s. [11]
  • Plan International a lancé en avril 2014 un projet de lutte contre les mariages d’enfants dans la province du Yunnan en Chine via des programmes de formation, de sensibilisation et de partage d’expériences avec les enfants, les familles, les représentant-e-s locaux et les agents de santé communautaire. [12]

Références

  1. UNICEF, « Le mariage précoce », DIGEST INNOCENTI, n°7, mars 2001 : http://www.unicef-irc.org/publications/pdf/digest7f.pdf
  2. Site de l’UNFPA sur le mariage précoce, (consulté le 14/01/16), http://www.unfpa.org/fr/mariage-d%E2%80%99enfants
  3. OCDE, “Why discriminatory social institutions affecting adolescent girls matter”, 2013, (en anglais) http://www.wikigender.org/images//0/08/Adolescent_girls_policy_brief_FINAL.pdf
  4. UNFPA, Marrying too young end child marriage, 2012, (en anglais), http://www.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/MarryingTooYoung.pdf
  5. Texte intégral de la Convention relative aux droits de l’enfant, (consulté le 14/01/16), http://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/crc.aspx
  6. Texte intégral de la Déclaration universelle des droits de l’homme, (consulté le 14/01/16), http://www.un.org/fr/documents/udhr/
  7. Texte intégral de la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves, et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage, (consulté le 14/01/16), http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/SupplementaryConventionAbolitionOfSlavery.aspx
  8. Texte intégral de la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, (consulté le 14/01/16), http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/MinimumAgeForMarriage.aspx
  9. Texte intégral de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, (consulté le 14/01/16), http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm
  10. Texte intégral de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de 1990, (consulté le 14/01/16), http://www.african-court.org/fr/images/documents/fr_gen_docs/Charte%20africaine%20des%20droits%20de%20enfant.pdf
  11. Souaibou Nombre, « Mariage précoce : une campagne nationale partie de Dori », journal Sidwaya, 3 mars 2015, (consulté le 14/01/16), http://www.sidwaya.bf/m-4968-mariage-precoce-une-campagne-nationale-partie-de-dori.html
  12. Descriptif de projet, « Chine, Lutte contre les mariages d’enfants dans la province du Yunnan », avril 2014, https://www.plan-international.fr/sites/files/plan/media_wysiwyg/chine-mariage-precoce.pdf
  13. Site Internet des Nations Unies sur les Objectifs de développement durable (ODD), (consulté le 14/01/16), http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/gender-equality/

Liens externes

Site Internet de l’UNICEF, « Protection de l’enfant contre la violence et les mauvais traitements : le mariage d’enfant », (consulté le 14/01/16), http://www.unicef.org/french/protection/index_earlymarriage.html

Walker Judith-Ann, « Cartographie du mariage précoce en Afrique de l’Ouest », Fondation Ford, septembre 2013, http://www.girlsnotbrides.org/wp-content/uploads/2014/01/Ford-Foundation-West-Africa-report-FRENCH-2013_09.pdf

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https://www.wikigender.org/fr/wiki/le-mariage-precoce/feed/ 0
Protocole de Maputo https://www.wikigender.org/fr/wiki/protocole-de-maputo/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/protocole-de-maputo/#respond Sun, 20 Mar 2016 20:03:12 +0000 http://www.wikigender.org/fr/?post_type=userpress_wiki&p=6745

Présentation

Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, ou Protocole de Maputo, a été adopté le 11 juillet 2003 par la 2ème session ordinaire de la Conférence de l’Organisation de l’Unité Africaine à Maputo (Mozambique).

La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples a été adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi lors de la 18ème Conférence de l’Organisation de l’Unité Africaine. Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Cette Charte s’inspire de la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), de la Charte des Nations-Unies, et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Cependant, elle prend en compte les « traditions historiques et les valeurs de civilisation africaine » [1] en insistant notamment sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et en accordant également une grande place à la famille.

Le protocole de Maputo vient compléter cette Charte, en affirmant spécifiquement les droits des femmes en Afrique. Il énonce un certain nombre de droits humains, comme l’alimentation, la santé, l’éducation, la dignité, la paix. Il s’attache également à certaines inégalités entre les hommes et les femmes, condamne la discrimination à l’encontre des femmes, et statue sur l’héritage, la succession et les droits des veuves. Enfin, le protocole de Maputo condamne les mutilations génitales féminines et énonce le « droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction » dans son article 14. [2]

Adoption

Sur les 54 Etats-membres de l’Union Africaine, 36 ont signé et ratifié le protocole de Maputo, 15 l’ont signé mais pas ratifié et 3 pays ne l’ont ni signé ni ratifié. [3] La plupart des pays ayant ratifié le protocole se sont engagés dans des réformes visant à promouvoir les droits des femmes. Selon Me. Soyata Maiga, rapporteure spéciale de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) sur les droits des femmes en Afrique, « l’adoption du Protocole de Maputo a été un moment extraordinaire, historique pour la réalisation des droits des femmes africaines. Aujourd’hui, ce texte constitue un modèle et une source inépuisable d’inspiration. À condition d’être ratifié et pleinement mis en œuvre, il représente un véritable instrument d’action en faveur de la transformation durable de nos sociétés  ». [4]

Mise en œuvre

Suite à la ratification du Protocole, de nombreux pays ont pris des mesures législatives et constitutionnelles pour améliorer les droits des femmes sur leur territoire. La RDC a lancé une campagne de «tolérance zéro» envers les auteurs de violences sexuelles, l’Ouganda a interdit les mutilations génitales, le Kenya a adopté un projet de loi sur la protection de la famille qui criminalise les violences domestiques etc. [5] Cependant, de nombreux États n’ont pas encore appliqué les recommandations préconisées. Par exemple, l’article 14 du Protocole portant sur les droits sexuels et reproductifs, l’article 21 relatif à l’héritage équitable entre hommes et femmes ou encore l’article 9 mentionnant la participation égalitaire des femmes et des hommes en politique sont objets de discussion dans de nombreux pays. [6]

Références

  1. Texte intégral de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, (consulté le 14/01/16), http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr/
  2. Texte intégral du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, dit Protocole de Maputo, (consulté le 14/01/16), http://www.achpr.org/fr/instruments/women-protocol/
  3. Tableau de ratification par pays du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, (consulté le 14/01/16), http://www.achpr.org/fr/instruments/women-protocol/
  4. FIDH, « Droits des femmes en Afrique : 18 pays n’ont toujours pas ratifié le protocole de Maputo ! », 10 juillet 2013, (consulté le 14/01/16), https://www.fidh.org/La-Federation-internationale-des-ligues-des-droits-de-l-homme/afrique/droits-des-femmes-en-afrique-18-pays-n-ont-toujours-pas-ratifie-le-13642
  5. Slate Afrique, « Le protocole de Maputo n’a pas vraiment sauvé les femmes africaines », 12 juillet 2013, (consulté le 14/01/16), http://www.slateafrique.com/310963/femmes-protocole-maputo-dix-ans-apres-maintenant
  6. Aimée Florentine KABORE, « Droit des femmes en Afrique : Pourquoi Le protocole de Maputo tarde-t-il à se traduire en réalité sur le terrain ? », Article de presse du journal Sidwaya, 30 juin 2015, (consulté le 14/01/16), http://www.sidwaya.bf/m-6787-droit-des-femmes-en-afrique-pourquoi-le-protocole-de-maputo-tarde-t-il-a-se-traduire-en-realite-sur-le-terrain-.html

Liens externes

FIDH, « Droits des femmes en Afrique : Entretien avec Soyata Maiga, Rapporteure spéciale de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) », 10 juillet 2013, (consulté le 14/01/16), https://www.fidh.org/La-Federation-internationale-des-ligues-des-droits-de-l-homme/afrique/13640-droits-des-femmes-en-afrique-entretien-avec-soyata-maiga-rapporteure

ONU Femmes, « La Côte d’Ivoire ratifie le protocole de Maputo », 10 juin 2012, (consulté le 14/01/16), www.unwomenwestafrica.blog.com/2012/06/10/la-cote-d’ivoire-ratifie-le-protocol-de-maputo/

Ngounou Ingrid Alice, « Protocole de Maputo, le clergé camerounais dit non à l’avortement ! », Journal du Cameroun.com, 29 juin 2009, (consulté le 14/01/16), http://journalducameroun.com/article.php?aid=1959

LaGazette.sn, « Légalisation de l’avortement – Protocole de Maputo : Le ver est dans l’article 14 », 12 décembre 2013, (consulté le 14/01/16), http://www.lagazette.sn/legalisation-de-lavortement-protocole-de-maputo-le-ver-est-dans-larticle-14/

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Préférences liées à la fécondité https://www.wikigender.org/fr/wiki/preferences-liees-a-la-fecondite/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/preferences-liees-a-la-fecondite/#respond Thu, 28 Jan 2016 15:35:24 +0000 http://www.wikigender.org/fr/?post_type=userpress_wiki&p=5431

Définitions

Les préférences liées à la fécondité font référence aux désirs des couples ou des individus d’avoir ou non un enfant, à l’intervalle de temps souhaité entre chaque enfant, et au nombre d’enfants considérés comme « idéal ». Ces préférences permettent d’informer les programmes de planning familial de la demande potentielle de contrôle de la fécondité au sein d’une population donnée (DHS, n.d.).

La possibilité pour les hommes et les femmes d’exercer librement ces préférences fait partie intégrante des droits reproductifs, définis comme « le droit des individus et des couples de décider sans discrimination, coercition ni violence s’ils veulent avoir des enfants, combien et quand, en ayant les informations nécessaires et les moyens adéquats pour prendre de telles décisions » (Programme d’Action de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement, cité dans FNUAP et al, 2014).

Enjeux pour le développement

Les préférences liées à la fécondité représentent un enjeu important pour le développement.

En termes de santé publique, l’espacement des naissances permet notamment de réduire la mortalité infantile. La contraception évite aux femmes les grossesses non-désirées et donc les avortements qui peuvent être réalisés dans des conditions risquées pour leur santé. La possibilité d’éviter les grossesses trop précoces ou trop tardives limite quant à elle les risques sanitaires pour la mère et l’enfant (DHS, 2014 ; FNUAP et Institut Guttmacher, 2014).

Les bénéfices économiques du planning familial ont également été démontrés. Des études réalisées dans des régions pauvres du Ghana et du Bangladesh soulignent que le recours à la contraception a permis aux femmes d’augmenter leurs revenus et leur participation au marché du travail. Le contrôle de la fécondité engendrerait en outre une « dividende démographique », en diminuant la part de la population jeune et dépendante financièrement au profit de la population en âge de travailler (FNUAP et Institut Guttmacher, 2014).

Mesures des préférences liées à la fécondité

L’indicateur « Institutions Sociales et Égalité femme-homme » (SIGI en anglais) élaboré par le Centre de développement de l’OCDE à partir de données collectées dans 160 pays, intègre parmi les différentes variables prises en comptes le taux de femmes n’ayant pas accès à la contraception alors qu’elles en avaient besoin (Centre de Développement de l’OCDE, 2014, à partir de données compilées par l’UNICEF, l’OMS et le programme d’enquêtes démographiques et sanitaires).).

Dans les pays en développement, on estime que la moitié des femmes en âge de procréer souhaitent éviter une grossesse, mais un quart d’entre elles, soit 225 millions, n’ont pas recours à une méthode contraceptive efficace (FNUAP et Institut Guttmacher, 2014).

Les disparités régionales sont importantes. En Asie du Sud, on note une augmentation du recours à la contraception (par 57% des femmes âgées de 15 à 49 ans) et un déclin des besoins non-pourvus en planning familial (de 21% en 1990 à 14% en 2012), même si les zones rurales restent à l’écart de ces progrès (Centre de développement de l’OCDE, 2014).

En Amérique Latine, 12% des femmes mariées n’ont pas accès au planning familial alors qu’elles en ont besoin, reflétant leur faible capacité de décision au sein de la famille (Centre de développement de l’OCDE, 2014).

En Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale, l’accès à la contraception moderne reste rare. De nombreux pays d’Afrique sub-saharienne, dont l’Ethiopie, le Madagascar, le Malawi ou le Rwanda, ont toutefois mis en place d’ambitieuses politiques de planning familial, permettant des avancées importantes (FNUAP et Institut Guttmacher, 2014).

Dans les pays de l’OCDE, les besoins en planning familial sont largement pourvus par les contraceptifs modernes, avec une moyenne de 78%, même si certains pays tels que la Grèce ou la Turquie ou la Pologne sont à des niveaux plus bas (Fabic, M. et al, 2014, citant des chiffres de la Division des Populations des Nations Unies, 2013).

Implications pour les politiques de planning familial

Pour soutenir les droits des femmes à faire librement leurs choix en matière de fécondité, un partenariat global associant Etats, organisations internationales et société civile a été mis en place en 2012 sous la plateforme « Planning Familial 2020 » » hébergée par la Fondation des Nations. L’idée est de permettre à 120 millions de femmes d’avoir accès à la contraception d’ici 2020, en se concentrant en particulier sur la mise en place de politiques publiques et de financement appropriés, la qualité de la prestation de services et la levée des barrières socio-culturelles empêchant les femmes d’y accéder (Planning Familial 2020, n.d.).

Parmi les principes devant guider les services, la plateforme Planning Familial 2020 recommande que ceux-ci soient :

  • Disponibles (dans des lieux appropriés et répartis équitablement sur le territoire)
  • Accessibles (abordables financièrement et accessibles par les transports, sans discrimination, etc.)
  • Acceptables (respectueux de la déontologie médicale, des valeurs et des cultures des usagers)
  • Transparents et responsables (à même de traiter les violations des droits des patients ou les omissions dommageables)
  • De la plus haute qualité (techniquement compétents et centrés sur les besoins des usagers)
  • Participatifs (impliquant les femmes et les communautés dans les décisions les concernant)

Références

Centre de Développement de l’OCDE (2014), Social Institutions and Gender Index. 2014 Synthesis Report, Editions OCDE, Paris, www.genderindex.org/sites/default/files/docs/BrochureSIGI2015.pdf.

FNUAP et Institut Guttmacher (2014), Adding It Up 2014, The Costs and Benefits of Investing in Sexual and Reproductive Health, New York: Guttmacher Institute http://www.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/Adding%20It%20Up-Final-11.18.14.pdf

FNUAP, Institut Danois des Droits de l’Homme et Bureau du Haut Commissiariat aux droits de l’homme (2014), Reproductive Rights are Human Rights – A Handbook for National Human Rights Institutions, New York : Nations Unies http://www.unfpa.org/publications/reproductive-rights-are-human-rights#sthash.fqQVcqcj.dpuf

USAID (2014), “Unmet Need for Family Planning among Young Women: Levels and Trends”, DHS Comparative Reports No.34, February 2014, http://dhsprogram.com/pubs/pdf/CR34/CR34.pdf

The DHS Program (n.d.), “Fertility and Fertility Preferences”, site web consulté le 15 janvier 2016, http://dhsprogram.com/topics/Fertility-and-Fertility-Preferences.cfm

Planning Familial 2020 (n.d.), «About us », site web consulté le 15 janvier 2016, http://www.familyplanning2020.org/about

Fabic, M. et al. (2014), Meeting demand for family planning within a generation: the post-2015 agenda, The Lancet, Volume 385, Issue 9981, 1928 – 1931, février 2014, https://www.usaid.gov/sites/default/files/documents/1864/MeetingFPwithinGeneration.pdf

Liens externes

Alkema, L. et al. (2013), National, regional and global rates and trends in contraceptive prevalence and unmet need for family planning between 1990 and 2015: a systematic and comprehensive analysis. The Lancet. Vol. 381, Issue 9878, pp. 1642–1652, ww.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2812%2962204-1/abstract

United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2015),  Model-based Estimates and Projections of Family Planning Indicators 2015. New York: United Nations, http://www.un.org/en/development/desa/population/theme/family-planning/cp_model.shtml

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Droits liés à l’héritage https://www.wikigender.org/fr/wiki/droits-lies-a-lheritage/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/droits-lies-a-lheritage/#respond Thu, 28 Jan 2016 15:15:07 +0000 http://www.wikigender.org/fr/?post_type=userpress_wiki&p=5424

Définition et éléments de contexte

Les droits liés à l’héritage, qui régulent la transmission de biens à un ou plusieurs héritiers à la mort du propriétaire, constituent un enjeu important pour l’égalité femmes-hommes.

L’héritage étant souvent la voie la plus courante pour accéder à la propriété foncière, les discriminations contre les femmes dans ce domaine représentent une source majeure de vulnérabilité économique (Groupe Banque Mondiale, 2015). Privées de leurs droits à l’héritage, les veuves sont susceptibles d’être expulsées du foyer qu’elles partageaient avec leur époux, de même que les orphelines peuvent se retrouver dépourvues de ressources à la mort de leurs parents.

Bien que de nombreux textes internationaux rappellent que les hommes et les femmes doivent bénéficier des mêmes droits en matière de succession (notamment la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Charte Africaine des droits de l’homme, l’Objectif de développement durable 5 sur l’égalité entre les sexes ou encore le Programme d’action de Beijing), les discriminations restent très répandues en droit et en pratique (ONUSIDA, n.d ; Jones et al, 2010), en raison notamment de pratiques coutumières néfastes.

La surmortalité engendrée par la pandémie du SIDA au cours des dernières décennies a par ailleurs donné une nouvelle acuité aux difficultés rencontrées par les veuves et les orphelines dans les régions du monde les plus touchées (ONUSIDA, n.d.).

Comment les droits à l’héritage affectent les trajectoires des femmes et des filles

Une étude réalisée en Inde démontre les bénéfices de l’accès à l’héritage des femmes et des filles pour le développement. Après que les états du Karnataka et du Maharashtra aient reformé la loi hindoue sur la succession en 1994, les parents ont en effet commencé à investir beaucoup plus dans l’éducation pour leurs filles, avec des effets multiplicateurs au fil des générations. Les mères ayant bénéficié de la réforme ont ainsi dépensé deux fois plus sur l’éducation de leurs filles. De plus, là où la réforme a été effective, les femmes étaient plus susceptibles d’avoir des comptes bancaires et leurs maisons d’être équipées de latrines (Groupe Banque Mondiale, 2015).

D’autres recherches confirment que la capacité à hériter de propriétés rendrait les femmes moins vulnérables à la violence domestique et à l’exploitation sexuelle en échange de nourriture ou d’un toit (ONUSIDA, n.d).

 

Mesurer les inégalités femmes-hommes en matière d’héritage

D’après l’indicateur « Institutions Sociales et Égalité femme-homme » (SIGI en anglais) élaboré par le Centre de développement de l’OCDE, seuls 55 pays sur les 160 étudiés accordent les mêmes droits à l’héritage aux deux sexes, sans qu’aucune pratique discriminatoire n’ait été signalée (Centre de développement de l’OCDE, 2014). Le SIGI prend en compte deux variables liées à l’héritage: les droits à l’héritage des veuves après le décès de leur époux, et les droits à l’héritage des filles après le décès de leurs parents.

Les données du SIGI mettent en évidence des disparités importantes selon les régions du monde en matière de succession:

  • Dans les pays de l’OCDE, les femmes bénéficient généralement des mêmes droits à l’héritage que les hommes.
  • En Amérique Latine et dans les Caraïbes, la moitié des 22 pays de la région accorde les mêmes droits à l’héritage aux hommes et aux femmes.
  • Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les codes de la famille fondés sur les droits coutumiers et religieux limitent les droits à l’héritage des femmes. En conséquence, seules 4% des femmes de la région détiennent des titres de propriété.
  • En Afrique sub-saharienne, l’indicateur enregistre des inégalités entre hommes et femmes en matière d’héritage dans 12 pays de la région (Centre de développement de l’OCDE, 2014).

Favoriser l’accès des femmes à l’héritage : quelques pistes pour l’action publique

L’ONU-Femmes recommande aux États de mettre en œuvre des réformes juridiques exhaustives visant à assurer les mêmes droits aux femmes et aux hommes en matière de succession, même en l’absence de testament. Dans cette optique, les systèmes coutumiers devraient également être encadrés par la législation, selon l’organisation.

Afin d’assurer la mise en  œuvre de ces réformes, des mécanismes d’application, comme des unités de police, peuvent être établis afin d’aider les femmes à faire valoir leurs droits en matière d’héritage (ONU-Femmes, n.d.)

Les femmes et les filles ignorant souvent ces droits, il est important de prévoir des campagnes de sensibilisation du public destinées à les informer des voies de recours dont elles disposent, en ville comme à la campagne (ONU-Femmes, n.d.)

L’ONUSIDA (n.d.) encourage en outre la formation des avocats, des juges et des policiers aux droits des femmes à l’héritage, ainsi que des actions de plaidoyer auprès des leaders traditionnels et le soutien aux organisations locales qui prêtent assistance aux femmes dans ce domaine.

 

Références

Centre de Développement de l’OCDE (2014), Social Institutions and Gender Index. 2014 Synthesis Report, Editions OCDE, Paris, www.genderindex.org/sites/default/files/docs/BrochureSIGI2015.pdf.

Encyclopædia Britannica Online, s. v. « inheritance », consulté le 2 janvier 2016, http://www.britannica.com/topic/inheritance-law.

Groupe Banque Mondiale (2015), Women, Business and the Law 2016: Getting to Equal. Washington, DC: Banque Mondiale, http://wbl.worldbank.org/~/media/WBG/WBL/Documents/Reports/2016/Women-Business-and-the-Law-2016.pdf

Jones, N., Harper, C. et Watson, S. (2010), Stemming girls’ chronic poverty: Catalysing development change by building just social institutions, Chronic Poverty Research Center, Manchester, www.chronicpoverty.org/publications/details/stemming-girls-chronic-poverty.

ONU-Femmes (n.d.), « Les droits des femmes à la propriété et à l’héritage », Centre Virtuel pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles, consulté 2 janvier 2016, http://www.endvawnow.org/fr/articles/845-les-droits-des-femmes-a-la-propriete-et-a-lheritage.html

ONUSIDA (n.d), « Securing Women’s Property and Inheritance Rights – Backgrounder », Coalition Globale sur les femmes et le SIDA http://data.unaids.org/GCWA/gcwa_bg_property_en.pdf

Liens externes 

Giovarelli, R. et Scalise, E (2015), Un cadre pour l’analyse du régime foncier des femmes: Héritage, Resource Equity, landwise.resourceequity.org/guides/11/download_pdf

FAO (n.d.), Base de données Genre et le Droit à la Terre, http://www.fao.org/gender-landrights-database/fr/ 

Harari M. (2014), « Women Inheritance and Bargaining Power : Evidence from Kenya », MIT paper

http://economics.mit.edu/files/10059

International Center for Research on Women (2006), Property Ownership

& Inheritance Rights of Women for Social Protection– The South Asia Experience http://www.icrw.org/files/publications/Property-Ownership-and-Inheritance-Rights-of-Women-for-Social-Protection-The-South-Asia-Experience.pdf

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L’autorité parentale https://www.wikigender.org/fr/wiki/lautorite-parentale/ https://www.wikigender.org/fr/wiki/lautorite-parentale/#respond Thu, 28 Jan 2016 14:57:53 +0000 http://www.wikigender.org/fr/?post_type=userpress_wiki&p=5421  

Définition

 

La responsabilité parentale peut se définir comme l’ensemble des “droits et obligations liés à la protection de la personne et des biens d’un enfant. Il s’agit notamment de la responsabilité de loger, nourrir et habiller un enfant, ainsi que de la responsabilité de son éducation. Cette notion englobe également la protection des biens éventuels de l’enfant ainsi que le droit de représenter légalement l’enfant” (Commission européenne, 2004).

En cas de séparation ou de divorce, les parents doivent déterminer de nouvelles modalités d’exercice de l’autorité parentale: garde partagée pour les deux parents ou bien garde exclusive accordant à un seul parent l’autorité parentale, avec des droits de visite éventuels. Dans l’éventualité d’un désaccord, les parents peuvent faire appel à la justice (Commission européenne, 2004).

  

L’exercice de l’autorité parentale, un enjeu pour l’égalité femmes-hommes

 

L’égalité des droits des pères et des mères figure dans plusieurs instruments juridiques internationaux, dont:

Le bien-être de l’ensemble de la famille peut être affecté par la limitation de l’autorité de la mère. Ainsi, selon une étude réalisée à Gujarat en Inde, près de 50% des femmes se déclaraient incapables d’emmener leur enfant voir un médecin sans l’autorisation de leur mari ou de leur belle-famille (Unicef, 2006, cité par Jones et al, 2010).
“L’inégalité dans la famille est la force la plus dommageable dans la vie des femmes, celle qui sous-tend tous les autres aspects des discriminations”, notait le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans une recommandation de 2009 (citée dans Jones et al, 2010). Il semblerait en effet que les mères soient plus susceptibles de faire le choix de donner une éducation à leur fille et de s’opposer à un mariage précoce, surtout si elles ont elles-mêmes reçu une éducation (Jones et al, 2010).

 

Mesurer les discriminations en matière d’exercice de l’autorité parentale

 

L’indicateur « Institutions Sociales et Égalité femme-homme » (SIGI en anglais) élaboré par le Centre de développement de l’OCDE à partir de données collectées dans 160 pays, mesure l’impact des institutions sociales discriminatoires sur la vie des femmes et des filles. Les discriminations au sein du code de la famille font partie des cinq grands volets abordés, avec des variables spécifiquement consacrés à l’autorité parentale. L’indicateur mesure ainsi si les femmes et les hommes ont les mêmes droits d’être les tuteurs légaux d’un enfant dans le cadre du mariage, et s’ils ont les mêmes opportunités d’exercer la tutelle et la garde de l’enfant après un divorce. (Centre de Développement de l’OCDE, 2014).

 

L’analyse de ces données permet de dresser un état des lieux contrasté (Centre de Développement de l’OCDE, 2014):

  • Dans la plupart des pays de l’OCDE, l’autorité parentale est partagée entre les hommes et les femmes, même si les normes sociales entourant le rôle de la mère dans le foyer restent fortes dans certains cas.
  • Dans la région Asie de l’Est et Pacifique, le statut des femmes dans la famille demeure mitigé en raison notamment de conflits entre droits coutumiers, religieux et civils. Certains pays comme les Philippines considèrent encore le père comme l’unique chef de famille.
  • Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, les codes de la famille souvent fondés sur les droits coutumiers et religieux ne reconnaissent que rarement l’autorité parentale maternelle. Par exemple en Egypte, le droit islamique considère les pères comme les tuteurs naturels des enfants. Les mères n’ont pas de droits de tutelle sur leurs enfants, même si elles peuvent depuis 2005 en avoir la garde physique en cas de divorce.
  • Certains pays d’Amérique Latine et des Caraïbes ont maintenu des dispositions législatives qui défavorisent les mères. Ainsi, au Chili, dans les couples mariés, les pères détiennent seuls l’autorité parentale en vertu du Code civil.
  • En Asie du Sud, les niveaux de discrimination sont les plus élevés en matière de code de la famille. Même en Inde, qui reconnaît en droit l’égalité des pères et des mères, les hommes sont en pratique considérés comme les détenteurs légitimes de l’autorité parentale.

 

Vers un exercice égalitaire de l’autorité parentale: pistes pour l’action publique

 

Pour favoriser l’égalité dans l’exercice des responsabilités parentales, plusieurs pistes d’action publique semblent avoir démontré leur efficacité :

 

  • L’harmonisation juridique entre droits coutumiers et législation formelle afin d’éradiquer les dispositions discriminantes envers les femmes dans les codes de la famille.
  • La sensibilisation des fonctionnaires (en particulier dans la sphère judiciaire) et des communautés aux réformes du code de la famille susceptibles de bénéficier à l’égalité femmes-hommes.
  • Des programmes d’autonomisation des filles favorisant leur maintien à l’école et leur émancipation financière.
  • Des initiatives visant à impliquer les hommes dans des pratiques de parentalité plus égalitaires (Jones et al, 2010).

 

 

Références

 

Commission Européenne (2004), Responsabilité parentale – informations générales, http://ec.europa.eu/civiljustice/parental_resp/parental_resp_gen_fr.htm, consulté le 20 décembre 2015.

 

Collombet, C. (2013), La parentalité en Europe : Quelles pistes pour la France, Caisse d’Allocations Familiale, www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/international/pdf/etude%20parentalit%C3%A9%20europe15.10.2013.pdf

 

Centre de Développement de l’OCDE (2014), Social Institutions and Gender Index. 2014 Synthesis Report, Editions OCDE, Paris, www.genderindex.org/sites/default/files/docs/BrochureSIGI2015.pdf.

 

Jones, N., Harper, C. et Watson, S. (2010), Stemming girls’ chronic poverty: Catalysing development change by building just social institutions, Chronic Poverty Research Center, Manchester,

www.chronicpoverty.org/publications/details/stemming-girls-chronic-poverty

 

Liens externes

 

Htun, M. and Weldon, L. (2011), “Sex Equality in Family Law: Historical Legacies, Feminist Activism and Religious Power in 70 Countries”, Background Paper, World Development Report 2012, http://siteresources.worldbank.org/INTWDR2012/Resources/7778105-1299699968583/7786210-1322671773271/Htun-Weldon-family-law-paper-april-11.pdf

 

OCDE (2009), Atlas of Gender and Development: How Social Norms Affect Gender Equality in Non-OECD Countries, Editions OCDE, Paris.

 

UNICEF (2006), La situation des enfants dans le monde 2007: Femmes et enfants – Le double dividende de l’égalité des sexes, UNICEF, New York, http://www.unicef.org/french/publications/index_36587.html

 

 

 

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